Revoilà Dolce Vita de l'autre côté de l'Océan, donc, depuis quelques semaines déjà. En Espagne installée la semaine passée. Et notre dynamique chroniqueuse de se retrouver au foyer ou presque
Les pontes du marketing font souvent état d'une catégorie d'individus à cibler dans leurs campagnes de lancement de produits qui est la ménagère de moins de 50 ans - bien que le concept tende aujourd'hui à être segmenté d'une autre manière faute d'homogénéité nette. Il s'agirait d'une Madame Michu, femme au foyer de son état, entre 20 et 50 ans, qui n'a d'autre occupation pour tuer le temps que de choyer les siens, faire les courses, et tenir sa maison avec force joyeuses activités que nous abhorrons tous : ménage, aspirateur, lavage de sol, vitres, poussière, lavage du linge, étendage et repassage de ce dernier, préparations culinaires à répétition, vaisselle, litière du chat et cage du hamster.
Les marketeurs forts de ce constat se plient en quatre pour leur concocter des campagnes de publicité à la hauteur de leur attente : assez simples pour arriver sans encombres aux neurones de Madame Michu en train de faire la vaisselle, passer l'aspirateur, moucher le chat ou courrant après le hamster et assez originales pour que les neurones décident de s'en souvenir jusqu'au prochain passage au supermarché sans trouver ça trop cher (ou alors ce n'est pas grave, parce que ça fera tellement plaisir aux enfants). On arrive donc aux sempiternels « machin lave plus blanc » avec étude comparative citant les marques concurrentes aux US (ce qui est interdit en France et en Espagne par exemple, on appelle ça de la concurrence déloyale, bouh !), « vos enfants n'aiment pas le truc-cola alors achetez du Coca-Cola si vous ne voulez pas paraître naze » et « avec ce nouveau robot ménager payable en 348 mensualités vous allez épater votre petite famille ».
Si les marketeurs pensent bien à tout cela, ils oublient de dire combien il est frustrant de se retrouver coincée dans un appartement / une maison sans avoir aucun but précis à atteindre. Et le pire, c'est qu'on finirait par y prendre goût
Prenez à cet égard le cas de Dolce dans son exil espagnol. Etudiante à nouveau après le hustle bustle de l'été new yorkais. Moins de 20 heures de cours hebdomadaires, réparties de manière équitable ce qui nous donne une moyenne de 4 heures de cours du lundi au vendredi, le matin et pas avant 9 heures s'il vous plaît. Moralité ? Vous retrouvez cette dernière avachie dans un canapé à partir de 15 heures (à peine après l'heure du déjeuner espagnol) s'interrogeant sur le sens de la vie et sur l'utilité contestée de la vaisselle à faire et qui se meurt dans l'évier.
Mais c'est que ne rien faire est fatiguant, à la longue. On en viendrait presque à des extrémités terribles : faire la sieste par exemple. Ou regarder la télévision. La télévision espagnole n'a rien à envier aux chaînes américaines. Mettons que Madame Michu (ou Dolce dans ce cas) décide d'allumer le poste pour passer l'après midi. Elle se retrouve devant des programmes de haut niveau intellectuel. En vrac, « El diario de Patricia », copie presque conforme de « C'est mon choix » avec l'Evelyne Thomas locale, où toutes les Madame Michu espagnoles se retrouvent pour dire « je suis laide, au secours », « ma fille ne me parle plus parce que je lui ai piqué son copain » etc. On a aussi « La Granja », qui est la ferme locale, avec les célébrités sur le déclin de la péninsule hibérique - qui, si tant est qu'elles ne se cassent pas le nez en glissant dans une bouse de vache, pourront ensuite aller enterrer leur honte dans un bunker pour le reste de leur carrière.
La publicité ne nous laisse pas en reste. Comme aux Etats-Unis, les marketeurs ont bien compris le pouvoir intellectualisant de ces programmes. Il s'agit donc d'opérer des coupures de publicité de 10 minutes à un quart d'heure tous les quarts d'heure d'émission. Avec « machin lave plus blanc », « vos enfants n'aiment pas le truc-cola alors achetez du Coca-Cola si vous ne voulez pas paraître naze », « avec ce nouveau robot ménager payable en 348 mensualités vous allez épater votre petite famille » et « n'oubliez pas de regarder le spécial « Diario de Patricia » demain soir à 22 heures ». Car au cas où on ne serait pas encore assez abruti, l'Espagnol rusé se fend aussi pour notre bon plaisir de pages de publicité avant les informations, pendant les informations et après les informations. Ce qui nous mène donc sans encombre nos neurones ankylosés devant le petit écran au film du soir, à 22 heures tapantes.
Je vous le dis tout de go, je n'ai jamais encore réussi à regarder un film en entier sur ma télé en Espagne. Je m'endors toujours avant la fin. Je suis d'abord curieuse de voir un film américain doublé en espagnol - avec toute la nuance d'intonations que peut avoir Droopy dans une crise de fou rire de la part des doubleurs - et sans réelle concordance entre le mouvement des lèvres et les paroles prononcées par les acteurs. Je me hérisse devant les voix de Bruce Willis et autres qui ne correspondent pas du tout. Puis au bout d'un quart d'heure, publicité. Je profite de la première pause pour faire un rapide aller retour à la salle de bain. En fait je pourrais prendre mon temps car la pause dure un quart d'heure. Puis j'ai le droit à nouveau de voir 1/4 d'heure de film. Et au moment crucial, nouvelle coupure ! Bref à minuit passées je suis à peine à la moitié du film que j'essaie désespérément de suivre (non, « lave plus blanc » n'en fait pas partie), j'avoisine le QI de la crevette et je m'endors devant la publicité.
Le plus déprimant de tout ceci, pourtant, n'est pas tant l'oisiveté en soi, mais le fait de se sentir honteux et désoeuvré, honteux de n'avoir rien à faire. Comment ? Mais visiter la ville, se mettre au jogging, préparer un triathlon, prendre des cours de danse, que sais-je Certes. Mais on a toujours cette satanée sale impression de ne rien faire. Rien faire d'utile. Là est toute l'ingéniosité de notre société qui réussit en un tour de main à nous rendre le travail indispensable à l'accomplissement.
Bon. C'est pas tout ça, mais je dois y aller, moi, j'ai mon réfrigérateur à nettoyer, maintenant qu'il est dégivré
Les pontes du marketing font souvent état d'une catégorie d'individus à cibler dans leurs campagnes de lancement de produits qui est la ménagère de moins de 50 ans - bien que le concept tende aujourd'hui à être segmenté d'une autre manière faute d'homogénéité nette. Il s'agirait d'une Madame Michu, femme au foyer de son état, entre 20 et 50 ans, qui n'a d'autre occupation pour tuer le temps que de choyer les siens, faire les courses, et tenir sa maison avec force joyeuses activités que nous abhorrons tous : ménage, aspirateur, lavage de sol, vitres, poussière, lavage du linge, étendage et repassage de ce dernier, préparations culinaires à répétition, vaisselle, litière du chat et cage du hamster.
Les marketeurs forts de ce constat se plient en quatre pour leur concocter des campagnes de publicité à la hauteur de leur attente : assez simples pour arriver sans encombres aux neurones de Madame Michu en train de faire la vaisselle, passer l'aspirateur, moucher le chat ou courrant après le hamster et assez originales pour que les neurones décident de s'en souvenir jusqu'au prochain passage au supermarché sans trouver ça trop cher (ou alors ce n'est pas grave, parce que ça fera tellement plaisir aux enfants). On arrive donc aux sempiternels « machin lave plus blanc » avec étude comparative citant les marques concurrentes aux US (ce qui est interdit en France et en Espagne par exemple, on appelle ça de la concurrence déloyale, bouh !), « vos enfants n'aiment pas le truc-cola alors achetez du Coca-Cola si vous ne voulez pas paraître naze » et « avec ce nouveau robot ménager payable en 348 mensualités vous allez épater votre petite famille ».
Si les marketeurs pensent bien à tout cela, ils oublient de dire combien il est frustrant de se retrouver coincée dans un appartement / une maison sans avoir aucun but précis à atteindre. Et le pire, c'est qu'on finirait par y prendre goût
Prenez à cet égard le cas de Dolce dans son exil espagnol. Etudiante à nouveau après le hustle bustle de l'été new yorkais. Moins de 20 heures de cours hebdomadaires, réparties de manière équitable ce qui nous donne une moyenne de 4 heures de cours du lundi au vendredi, le matin et pas avant 9 heures s'il vous plaît. Moralité ? Vous retrouvez cette dernière avachie dans un canapé à partir de 15 heures (à peine après l'heure du déjeuner espagnol) s'interrogeant sur le sens de la vie et sur l'utilité contestée de la vaisselle à faire et qui se meurt dans l'évier.
Mais c'est que ne rien faire est fatiguant, à la longue. On en viendrait presque à des extrémités terribles : faire la sieste par exemple. Ou regarder la télévision. La télévision espagnole n'a rien à envier aux chaînes américaines. Mettons que Madame Michu (ou Dolce dans ce cas) décide d'allumer le poste pour passer l'après midi. Elle se retrouve devant des programmes de haut niveau intellectuel. En vrac, « El diario de Patricia », copie presque conforme de « C'est mon choix » avec l'Evelyne Thomas locale, où toutes les Madame Michu espagnoles se retrouvent pour dire « je suis laide, au secours », « ma fille ne me parle plus parce que je lui ai piqué son copain » etc. On a aussi « La Granja », qui est la ferme locale, avec les célébrités sur le déclin de la péninsule hibérique - qui, si tant est qu'elles ne se cassent pas le nez en glissant dans une bouse de vache, pourront ensuite aller enterrer leur honte dans un bunker pour le reste de leur carrière.
La publicité ne nous laisse pas en reste. Comme aux Etats-Unis, les marketeurs ont bien compris le pouvoir intellectualisant de ces programmes. Il s'agit donc d'opérer des coupures de publicité de 10 minutes à un quart d'heure tous les quarts d'heure d'émission. Avec « machin lave plus blanc », « vos enfants n'aiment pas le truc-cola alors achetez du Coca-Cola si vous ne voulez pas paraître naze », « avec ce nouveau robot ménager payable en 348 mensualités vous allez épater votre petite famille » et « n'oubliez pas de regarder le spécial « Diario de Patricia » demain soir à 22 heures ». Car au cas où on ne serait pas encore assez abruti, l'Espagnol rusé se fend aussi pour notre bon plaisir de pages de publicité avant les informations, pendant les informations et après les informations. Ce qui nous mène donc sans encombre nos neurones ankylosés devant le petit écran au film du soir, à 22 heures tapantes.
Je vous le dis tout de go, je n'ai jamais encore réussi à regarder un film en entier sur ma télé en Espagne. Je m'endors toujours avant la fin. Je suis d'abord curieuse de voir un film américain doublé en espagnol - avec toute la nuance d'intonations que peut avoir Droopy dans une crise de fou rire de la part des doubleurs - et sans réelle concordance entre le mouvement des lèvres et les paroles prononcées par les acteurs. Je me hérisse devant les voix de Bruce Willis et autres qui ne correspondent pas du tout. Puis au bout d'un quart d'heure, publicité. Je profite de la première pause pour faire un rapide aller retour à la salle de bain. En fait je pourrais prendre mon temps car la pause dure un quart d'heure. Puis j'ai le droit à nouveau de voir 1/4 d'heure de film. Et au moment crucial, nouvelle coupure ! Bref à minuit passées je suis à peine à la moitié du film que j'essaie désespérément de suivre (non, « lave plus blanc » n'en fait pas partie), j'avoisine le QI de la crevette et je m'endors devant la publicité.
Le plus déprimant de tout ceci, pourtant, n'est pas tant l'oisiveté en soi, mais le fait de se sentir honteux et désoeuvré, honteux de n'avoir rien à faire. Comment ? Mais visiter la ville, se mettre au jogging, préparer un triathlon, prendre des cours de danse, que sais-je Certes. Mais on a toujours cette satanée sale impression de ne rien faire. Rien faire d'utile. Là est toute l'ingéniosité de notre société qui réussit en un tour de main à nous rendre le travail indispensable à l'accomplissement.
Bon. C'est pas tout ça, mais je dois y aller, moi, j'ai mon réfrigérateur à nettoyer, maintenant qu'il est dégivré
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