L''expatrie est comme cet oiseau de Beaudelaire, l'Albatros. En exil quelque part, heureux peut-etre, incomplet souvent.
L''expatrie fait en permanence face a ce cruel paradoxe : partir et vouloir rester, eternel dilemme. Envie d'ailleurs et peur de louper quelque chose en quittant cet ici rassurant. Un parent qui decline, une naissance a venir, des amis tout simplement. Tout ce petit monde qui se presse le sourire aux levres et le coeur gros, quand vous partez, a grand coup de bon voyage, bonne chance, ecris nous !
A la bonne heure, boheme nous voila, partis bien accorches, deracines, heureux pour un temps, malheureux comme les pierres et en extase devant notre nouvelle terre. Les amis avec le temps s'effacent faute de nouvelles, on n'a pas voulu prendre le temps de les appeler, de leur rappeler qu'on les aimait toujours, qu'on etait la. Alors ils ont oublie, continue a construire leur vie, la votre entre parentheses. Quand on rentre tout a change, ils n'ont pas attendu, ne vous attendent pas forcement. Non, tout le monde ne va pas se jeter a vos pieds parce que vous rentrez pour trois jours. L'anniversaire du petit dernier, le week-end chez Mamie prevu depuis des lustres, tu comprends, il aurait fallu que tu nous dises plus tot, attends je te rappelle, je dois moucher le chat.
Oui, mais moi, plus tot je ne sais pas et je ne peux pas. Je vis dans une ville tourbillon, sur un mode instantane ou je lance mes soirees a la derniere minute comme je rentre en Europe en coup de vent. Autour de moi on agit de la sorte, la norme pour moi est de ne pas prevoir si loin. La norme pour moi est de croire qu'on m'attend comme le messie lorsque je pose un doigt de pied sur le vieux continent. On ne se comprend plus. On a vecu tant d'histoires, vu tant de choses differentes... On evolue dans cette metropole grouillante qui fait rever tant d'esprits, nous. On voudrait parler de ce qu'on ressent, on nous demande de causer architecture. La fissure nait de l'incomprehension, de ce froncement de sourcil annonciateur de faille, de cet instant ou l'esprit se demande pourquoi l'autre qui auparavant aurait dit oui, fait maintenant la moue et n'en veut plus rien savoir, veut juste boire nos paroles et s'extasier sur LA ville.
Impression dechirante de toujours laisser derriere soi une partie de sa vie, sans savoir bien pourquoi. Saigner mais partir, et dans nos yeux rives vers l'ailleurs, les larmes de memoire brouillent l'image de notre devenir que nous voulions net et qui ne l'est pas, qui ne l'est plus.
On se retrouve sur un autre continent, une autre terre promise, perdu, seul au milieu de la foule avec cette envie irrepressible de crier sa joie et son desaroi. On apprehende, on est heureux, on est triste a la fois, detonnant melange qui au moindre souci fait exploser le contenu delicat, rires ou fontaine, c'est selon.
Ah la boheme ! Parlons en. Une valise dans chaque main et nos yeux pour pleurer. On voudrait l'aventure sans le dechirement continuel des departs sur fond d'annonces de compagnies aeriennes. Si Kleenex devait remercier une communaute, ce serait celle des expatries.
De cette boheme repetitive, de ces departs diluviens, de ces valises trop portees nait un sentiment etrange, qui, parfois, genere un instant de malaise autour de nous. A trop dire au revoir, on a parfois perdu le gout de chercher a connaitre, a connaitre veritablement, les ames qu'on cotoie. Parce qu'on sait que dans un mois, six mois, un an, on ne les reverra plus jamais. Alors quoi bon ?
L'expatrie perd ce cadre rassurant du pays qu'il connait, de ses amis toujours la, du supermarche au coin de la rue, Madame Michu qui sort Mirza a 8h12, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. L'expatrie perd l'habitude. Cette habitude, douillette, rassurante. Pas etonnant qu'a New York ou Singapour il se raccroche au premier francais venu. Il a besoin malgre tout de croire en sa vie ici, quelle que soit la duree de son sejour.
Et c'est la son paradoxe. Il se veut aime ici ou la, entoure et cajole, cherche a connaitre autour de lui, mais diantre, pas trop... Sinon il s'attacherait, un peu, beaucoup. Alors il sort, fait croire qu'il est heureux comme ca, qu'a New York, il est le roi du monde, d'analyste financier il s'investit et s'invente une couverture de trader, et se perd dans l'oubli des nuits interlopes de Manhattan. De peur, peut etre, qu'il ne se rappelle ce qu'il a laisse, la bas, en France ou ailleurs... Un amour, sa famille, ses souvenirs. Vague a l'ame qu'il repousse a coup de Chasse-Spleen vendanges tardives. Melancolie qui reprend en soupir majeur au cri strident du reveil matin.
Il s'habitue pourtant, oui, car on s'habitue a cette nouveaute offerte, on y recree ainsi un microcosme cocon pour faire le paon en soiree et flaner chic. N'est pas a New York qui veut.
Un jour pourtant, on reprend la route, on tente d'enfermer a jamais dans une malle des souvenirs qui n'y tiennent pas, on partage, on donne, on jette, on soupire, on pleure, on tasse, on se tait, c'est fait, c'est ferme.
On passe sa vie mal assis sur le fauteuil decharne d'un aeroport a regarder les touristes qui font voyager leurs appareils photos. On a le coeur gros comme la ville au milieu de cette joyeuse indifference qui defile autour de nous.
Partir, c'est mourir un peu. On se veut fort, mais notre carapace craquelle vite aussi...
L''expatrie fait en permanence face a ce cruel paradoxe : partir et vouloir rester, eternel dilemme. Envie d'ailleurs et peur de louper quelque chose en quittant cet ici rassurant. Un parent qui decline, une naissance a venir, des amis tout simplement. Tout ce petit monde qui se presse le sourire aux levres et le coeur gros, quand vous partez, a grand coup de bon voyage, bonne chance, ecris nous !
A la bonne heure, boheme nous voila, partis bien accorches, deracines, heureux pour un temps, malheureux comme les pierres et en extase devant notre nouvelle terre. Les amis avec le temps s'effacent faute de nouvelles, on n'a pas voulu prendre le temps de les appeler, de leur rappeler qu'on les aimait toujours, qu'on etait la. Alors ils ont oublie, continue a construire leur vie, la votre entre parentheses. Quand on rentre tout a change, ils n'ont pas attendu, ne vous attendent pas forcement. Non, tout le monde ne va pas se jeter a vos pieds parce que vous rentrez pour trois jours. L'anniversaire du petit dernier, le week-end chez Mamie prevu depuis des lustres, tu comprends, il aurait fallu que tu nous dises plus tot, attends je te rappelle, je dois moucher le chat.
Oui, mais moi, plus tot je ne sais pas et je ne peux pas. Je vis dans une ville tourbillon, sur un mode instantane ou je lance mes soirees a la derniere minute comme je rentre en Europe en coup de vent. Autour de moi on agit de la sorte, la norme pour moi est de ne pas prevoir si loin. La norme pour moi est de croire qu'on m'attend comme le messie lorsque je pose un doigt de pied sur le vieux continent. On ne se comprend plus. On a vecu tant d'histoires, vu tant de choses differentes... On evolue dans cette metropole grouillante qui fait rever tant d'esprits, nous. On voudrait parler de ce qu'on ressent, on nous demande de causer architecture. La fissure nait de l'incomprehension, de ce froncement de sourcil annonciateur de faille, de cet instant ou l'esprit se demande pourquoi l'autre qui auparavant aurait dit oui, fait maintenant la moue et n'en veut plus rien savoir, veut juste boire nos paroles et s'extasier sur LA ville.
Impression dechirante de toujours laisser derriere soi une partie de sa vie, sans savoir bien pourquoi. Saigner mais partir, et dans nos yeux rives vers l'ailleurs, les larmes de memoire brouillent l'image de notre devenir que nous voulions net et qui ne l'est pas, qui ne l'est plus.
On se retrouve sur un autre continent, une autre terre promise, perdu, seul au milieu de la foule avec cette envie irrepressible de crier sa joie et son desaroi. On apprehende, on est heureux, on est triste a la fois, detonnant melange qui au moindre souci fait exploser le contenu delicat, rires ou fontaine, c'est selon.
Ah la boheme ! Parlons en. Une valise dans chaque main et nos yeux pour pleurer. On voudrait l'aventure sans le dechirement continuel des departs sur fond d'annonces de compagnies aeriennes. Si Kleenex devait remercier une communaute, ce serait celle des expatries.
De cette boheme repetitive, de ces departs diluviens, de ces valises trop portees nait un sentiment etrange, qui, parfois, genere un instant de malaise autour de nous. A trop dire au revoir, on a parfois perdu le gout de chercher a connaitre, a connaitre veritablement, les ames qu'on cotoie. Parce qu'on sait que dans un mois, six mois, un an, on ne les reverra plus jamais. Alors quoi bon ?
L'expatrie perd ce cadre rassurant du pays qu'il connait, de ses amis toujours la, du supermarche au coin de la rue, Madame Michu qui sort Mirza a 8h12, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. L'expatrie perd l'habitude. Cette habitude, douillette, rassurante. Pas etonnant qu'a New York ou Singapour il se raccroche au premier francais venu. Il a besoin malgre tout de croire en sa vie ici, quelle que soit la duree de son sejour.
Et c'est la son paradoxe. Il se veut aime ici ou la, entoure et cajole, cherche a connaitre autour de lui, mais diantre, pas trop... Sinon il s'attacherait, un peu, beaucoup. Alors il sort, fait croire qu'il est heureux comme ca, qu'a New York, il est le roi du monde, d'analyste financier il s'investit et s'invente une couverture de trader, et se perd dans l'oubli des nuits interlopes de Manhattan. De peur, peut etre, qu'il ne se rappelle ce qu'il a laisse, la bas, en France ou ailleurs... Un amour, sa famille, ses souvenirs. Vague a l'ame qu'il repousse a coup de Chasse-Spleen vendanges tardives. Melancolie qui reprend en soupir majeur au cri strident du reveil matin.
Il s'habitue pourtant, oui, car on s'habitue a cette nouveaute offerte, on y recree ainsi un microcosme cocon pour faire le paon en soiree et flaner chic. N'est pas a New York qui veut.
Un jour pourtant, on reprend la route, on tente d'enfermer a jamais dans une malle des souvenirs qui n'y tiennent pas, on partage, on donne, on jette, on soupire, on pleure, on tasse, on se tait, c'est fait, c'est ferme.
On passe sa vie mal assis sur le fauteuil decharne d'un aeroport a regarder les touristes qui font voyager leurs appareils photos. On a le coeur gros comme la ville au milieu de cette joyeuse indifference qui defile autour de nous.
Partir, c'est mourir un peu. On se veut fort, mais notre carapace craquelle vite aussi...
J'ai vécu à New York deux ans, c'est fou ce que je me retrouve dans ton article. Très bien écrit :)
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