Où l'’on se rend compte que le noir troublant du café sus-cité est encore source de différenciation culturelle.
Petit topo du lundi matin.
Café : n.m. Substance liquide d'’un noir troublant aidant l’'homme ou la femme à repousser encore un peu le début de la journée de travail.
Version américaine.
Sortir de chez soi. Se faire refourguer A.M. New York. Prendre le métro, coincé entre John Doe et Jack Smith, tous les deux en finale du concours du « c’'est moi le plus gros américain dans le wagon ce matin », entendre vaguement le cri strident des Ipods de ces derniers, survivre aux derniers relents de rap, et ne pas louper sa sortie. Se précipiter sur les escalators avant John Doe et Jack Smith qui risqueraient de les faire coincer. Atteindre l’'air libre. Se voir refourguer A.M New York pour la seconde fois. Passer chez Strarburck, faire la queue pour acheter sa version « tall » de l’'American Coffee. Marcher jusqu’à la porte de son immeuble, pester contre le manteau qui a exactement 12 poches, et donc douze possibilités d'’héberger le Corporate ID bien caché au fond (à moins qu’il n’'ait sombré dans les tréfonds d’un sac à main). Plonger à sa recherche avec le café brûlant dans une main. Le retrouver enfin (l'’ID, pas le café), sous une pile de mouchoirs éculée sous l’œ'oeil goguenard des réceptionnistes (quoiqu'’au final on peut s’'être mis un peu de café partout). Le faire biper pour accéder de l’'autre côté des portes vitrées, monter dans l’'un des 12 ascenseurs, atteindre son étage, retrouver le pass magnétique pour en ouvrir la porte (non, il n’'était pas rangé avec l'’ID, ce serait trop facile). Traverser l’'Open Space / les couloirs sinueux pour arriver enfin vers 9h15, voire 9h30 à son bureau. Allumer son ordinateur, et pendant que le monstre se réveille dans un concert de grognements, retirer son manteau, ses trente couches de vêtements, ses gants, son écharpe, pester contre la climatisation (en l’'occurrence le chauffage) poussée à bout, et boire son café Starburck un peu moins brûlant maintenant, à petites gorgées, dans son emballage en carton recyclable / recyclé, en soulevant doucement la languette en plastique du couvercle non biodégradable., enfin. « Caution, contains hot beverage ». Survoler A.M. New York et se mettre à travailler.
Version française.
Prendre le métro, coincé entre Madame Michu et Madame Godiche qui se racontent leur soirée.
« Tiens, j'’te raconte même pas » (mais pourtant on sent bien qu'elle va lui raconter, et longuement encore) « mais hier soir, eh ben l’'Robert, il a voulu rgarder l’'foot. Ouais. Eh ben même que là, j'’lui ai dit t’'as qu’'à croire, au Robert, moi j’'veux r'garder 1ère Compagnie » Etc.
Et Madame Godiche de renchérir « Eh ben moi hier, j’'étais avec Jean Mich. Tu te souviens de Jean-Mich. Un mec top, quoi. Nan, vraiment top, quoi. Eh ben hier soir, y ‘m’'dit Nan j'’t'’enmène pas au cinoche, Jennifer, j’'vais au bistrot avec des potes. Nan mais j’'ai halluciné, quoi. J'’lui ai dit d’'prendre ses clics et ses claques et d’'se tirer. Ouais. Comme ça. Et » etc. …
S’'extraire à sa station. Se précipiter sur les kilomètres d’'escaliers et les monter avec plus ou moins d’'entrain. Arriver enfin à l’'air libre. Se voir refourguer 20 Minutes. Marcher jusqu’'à la porte de son immeuble. Dire bonjour à la standardiste et faire un point météo avec elle « Il fait froid hein ? C'’est fou, on est en Mars et il a encore neigé cette nuit ». S’'en dépatouiller par une pirouette et entrer dans le coeœur du bâtiment, atteindre son bureau, enfin, il est 9 heures. Allumer son ordinateur, et pendant que le monstre se réveille dans un concert de grognements, retirer son manteau, ses gants, son écharpe. Dire bonjour à Nicolas, Gilles, Béatrice, Nathalie. Aller relever ses e-mails personnels. Retrouver 20 Minutes et en étudier attentivement la photo de 1ère de couverture en attendant que Béatrice vienne vous proposer de prendre un café. Il est 10 heures bien sonnées. Se rendre à la machine à café, épicentre de Radio Couloir, et, au rythme du lent goutte à goutte, écouter attentivement les dernières nouvelles officieuses.
« Y paraît que Truc s’est fait augmenter.
- Noooooonnnnn… alors qu'’il en fout pas une alors que moi je bosse comme une dingue ! [ndlr. Pour nettoyer la machine à café ?] »
Le temps que Béa ait raconté à Gilles ce que Nicolas venait de lui dire sur Nathalie, il est presque 11 heures. Repartir tranquillement terminer son café à son poste, en feuilletant 20 Minutes, avant de lancer son logiciel de messagerie professionnelle.
Je ne sais pas vous mais moi, pour avoir un tant soit peu travaillé aux Etats-Unis et pas tant que ça en France, je me sens maintenant toute perdue… Je n’'ai pas ce réflexe du matin qui est de me dire « tiens je vais me faire une pause d’'une heure pour prendre le café de la sociabilité » alors que je sais pertinemment qu'’une pile de dossiers aussi haute que moi (bon, ok, au final c’'est peut-être pas si terrible vu comme je suis grande) m’'attend avec impatience à côté des 312 emails non lus. Je suis effarée par le manque d’'efficacité chronique du service où je travaille, pour cause de dépendance au café. Quand ce n’'est pas à la cigarette, avec une pause toutes les heures pour certains…
Je vous le dis : si un manager américain mettait son nez dedans, il lui faudrait certainement beaucoup de café pour remettre de l’'ordre dans tout ça.
Petit topo du lundi matin.
Café : n.m. Substance liquide d'’un noir troublant aidant l’'homme ou la femme à repousser encore un peu le début de la journée de travail.
Version américaine.
Sortir de chez soi. Se faire refourguer A.M. New York. Prendre le métro, coincé entre John Doe et Jack Smith, tous les deux en finale du concours du « c’'est moi le plus gros américain dans le wagon ce matin », entendre vaguement le cri strident des Ipods de ces derniers, survivre aux derniers relents de rap, et ne pas louper sa sortie. Se précipiter sur les escalators avant John Doe et Jack Smith qui risqueraient de les faire coincer. Atteindre l’'air libre. Se voir refourguer A.M New York pour la seconde fois. Passer chez Strarburck, faire la queue pour acheter sa version « tall » de l’'American Coffee. Marcher jusqu’à la porte de son immeuble, pester contre le manteau qui a exactement 12 poches, et donc douze possibilités d'’héberger le Corporate ID bien caché au fond (à moins qu’il n’'ait sombré dans les tréfonds d’un sac à main). Plonger à sa recherche avec le café brûlant dans une main. Le retrouver enfin (l'’ID, pas le café), sous une pile de mouchoirs éculée sous l’œ'oeil goguenard des réceptionnistes (quoiqu'’au final on peut s’'être mis un peu de café partout). Le faire biper pour accéder de l’'autre côté des portes vitrées, monter dans l’'un des 12 ascenseurs, atteindre son étage, retrouver le pass magnétique pour en ouvrir la porte (non, il n’'était pas rangé avec l'’ID, ce serait trop facile). Traverser l’'Open Space / les couloirs sinueux pour arriver enfin vers 9h15, voire 9h30 à son bureau. Allumer son ordinateur, et pendant que le monstre se réveille dans un concert de grognements, retirer son manteau, ses trente couches de vêtements, ses gants, son écharpe, pester contre la climatisation (en l’'occurrence le chauffage) poussée à bout, et boire son café Starburck un peu moins brûlant maintenant, à petites gorgées, dans son emballage en carton recyclable / recyclé, en soulevant doucement la languette en plastique du couvercle non biodégradable., enfin. « Caution, contains hot beverage ». Survoler A.M. New York et se mettre à travailler.
Version française.
Prendre le métro, coincé entre Madame Michu et Madame Godiche qui se racontent leur soirée.
« Tiens, j'’te raconte même pas » (mais pourtant on sent bien qu'elle va lui raconter, et longuement encore) « mais hier soir, eh ben l’'Robert, il a voulu rgarder l’'foot. Ouais. Eh ben même que là, j'’lui ai dit t’'as qu’'à croire, au Robert, moi j’'veux r'garder 1ère Compagnie » Etc.
Et Madame Godiche de renchérir « Eh ben moi hier, j’'étais avec Jean Mich. Tu te souviens de Jean-Mich. Un mec top, quoi. Nan, vraiment top, quoi. Eh ben hier soir, y ‘m’'dit Nan j'’t'’enmène pas au cinoche, Jennifer, j’'vais au bistrot avec des potes. Nan mais j’'ai halluciné, quoi. J'’lui ai dit d’'prendre ses clics et ses claques et d’'se tirer. Ouais. Comme ça. Et » etc. …
S’'extraire à sa station. Se précipiter sur les kilomètres d’'escaliers et les monter avec plus ou moins d’'entrain. Arriver enfin à l’'air libre. Se voir refourguer 20 Minutes. Marcher jusqu’'à la porte de son immeuble. Dire bonjour à la standardiste et faire un point météo avec elle « Il fait froid hein ? C'’est fou, on est en Mars et il a encore neigé cette nuit ». S’'en dépatouiller par une pirouette et entrer dans le coeœur du bâtiment, atteindre son bureau, enfin, il est 9 heures. Allumer son ordinateur, et pendant que le monstre se réveille dans un concert de grognements, retirer son manteau, ses gants, son écharpe. Dire bonjour à Nicolas, Gilles, Béatrice, Nathalie. Aller relever ses e-mails personnels. Retrouver 20 Minutes et en étudier attentivement la photo de 1ère de couverture en attendant que Béatrice vienne vous proposer de prendre un café. Il est 10 heures bien sonnées. Se rendre à la machine à café, épicentre de Radio Couloir, et, au rythme du lent goutte à goutte, écouter attentivement les dernières nouvelles officieuses.
« Y paraît que Truc s’est fait augmenter.
- Noooooonnnnn… alors qu'’il en fout pas une alors que moi je bosse comme une dingue ! [ndlr. Pour nettoyer la machine à café ?] »
Le temps que Béa ait raconté à Gilles ce que Nicolas venait de lui dire sur Nathalie, il est presque 11 heures. Repartir tranquillement terminer son café à son poste, en feuilletant 20 Minutes, avant de lancer son logiciel de messagerie professionnelle.
Je ne sais pas vous mais moi, pour avoir un tant soit peu travaillé aux Etats-Unis et pas tant que ça en France, je me sens maintenant toute perdue… Je n’'ai pas ce réflexe du matin qui est de me dire « tiens je vais me faire une pause d’'une heure pour prendre le café de la sociabilité » alors que je sais pertinemment qu'’une pile de dossiers aussi haute que moi (bon, ok, au final c’'est peut-être pas si terrible vu comme je suis grande) m’'attend avec impatience à côté des 312 emails non lus. Je suis effarée par le manque d’'efficacité chronique du service où je travaille, pour cause de dépendance au café. Quand ce n’'est pas à la cigarette, avec une pause toutes les heures pour certains…
Je vous le dis : si un manager américain mettait son nez dedans, il lui faudrait certainement beaucoup de café pour remettre de l’'ordre dans tout ça.
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