Et voilà, aux premiers souffles du blizzard, et malgré force cache-nez, col roulé et autres subterfuges, on se réveille un matin avec les yeux gonflés de sommeil, le nez rougi par trop de mouchages intempestifs et la gorge aussi sèche que le désert du Sahara. Ce n'’est rien et c'’est horrible, c’'est juste une petite grippe de saison.
De toute façon, on sait bien ce que disent les médecins : un rhume non soigné s’'évapore en quinze jours, si on le soigne on n’en a que pour deux semaines. Bref on sait déjà que ça va être le bonheur.
Le malade avisé sait que quoi qu'’il en soit, et vu le nombre de jours de congé annuels octroyés à un employé dans une société américaine, il a plutôt intérêt à se remettre au plus vite s'’il ne veut pas passer les mois suivants à admirer les restes de son bureau, posés dans un carton, au pied de son lit, en s’'apitoyant sur son triste sort.
Le voici donc parti en quête d’'un drug store. Pas pour de la morphine, vous l’'aurez compris, mais dans l'’espoir d’'y trouver quelques pastilles utiles à soulager ses maux.
L’'Amérique faisant bien les choses, votre Duane Reade (ou CVS Pharmacy et concurrents) vous indique comme dans les grandes surfaces, le rayon où vous allez trouver votre bonheur. En fait vous risquez d’'y trouver surtout un peu plus que votre bonheur. D’'ailleurs ça aurait du nous inquiéter dès le départ, de savoir qu’'ils ont un rayon entier intitulé « cold ». Mais comme nos neurones justement sont un peu raplapla, ils n’ont pas tilté sur le coup. On entre dans le rayon à petits pas, peur soudaine d’'être phagocytés par cette émergence et ces résurgences de mots en gras, en italique, de rouge qui nous saute aux yeux, de qui mieux que les autres de tous ces produits saura attirer notre attention.
On ne parle plus dans ce bas monde d’'efficacité des produits, tout est sous jacent aux batailles marketing que se livrent les compétiteurs d’un marché à grand coup d’offres spéciales. Ce qui est sans compter les sournoises marques blanches (autrement nommées marques distributeur, donc « Duane Reade », par exemple, pour ceux qui n’'auraient pas suivi) qui tentent désespérément de mettre un coup de pied dans la fourmilière, force de publicité comparative, en assurant qu’'elles font aussi bien que Machin mais en moins cher – et elles ont raison, car le médoc sort des mêmes fabriques.
Imaginez notre bonne Madame Michu. En France, elle arrive au comptoir de sa pharmacie, demande entre deux quintes de toux au préparateur un médicament sans ordonnance – mettons, un sirop, et des pastilles –et le pharmacien dans sa grande bonté lui ramène un flacon de Vicks et des pastilles Drill (nota – échantillonnage de marques pris au hasard, toutes mes confuses aux concurrents). Elle paie et rentre chez elle.
Bilan de l’'opération : 3 minutes, attente comprise. Frais occasionnés : allez, mettons 6 euros, et on est encore généreux.
Imaginez maintenant cette même Madame Michu dans votre Duane Reade. Elle, se disant qu’'après tout le plus simple est encore d’'aller demander au préparateur de lui dégoter la solution miracle, se heurte au mur de l’'amabilité du préparateur sus-cité en train de feuilleter une revue, et qui, dans un élan de lassitude, se contente de lui indiquer d’un geste agacé, le rayon « cold ». Madame Michu sans perdre son sang froid s’'y dirige donc, et se trouve nez à nez avec une ribambelles de produits dont elle ignorait même l’'existence. Qui de ses pastilles à la menthe, qui de son sirop « plus efficace que les pastilles », qui de son spray « qui soulage plus qu’'un simple sirop », qui de ses feuillets qui fondent sur la langue « plus facile d’utilisation qu’un spray ». Qui à la menthe, qui au miel, qui à la cerise (chimique, cela va sans dire). Evidemment, chaque produit se décline en plusieurs marques, plusieurs saveurs, plusieurs tailles et plusieurs prix. Madame Michu se dit aussi bien qu’'elle pourrait rentrer à la maison et prendre un doliprane (mais pour ça il faudrait qu’'elle trouve l'’équivalent dans le rayon adjacent, et rien que l’'idée de se remettre à chercher un autre truc dans cette débauche de référencement lui donne des sueurs froides). Alors Madame Michu fait comme tout le monde, elle prend un peu au hasard, elle lit les étiquettes de deux boites, cherchant à comprendre pourquoi l’'une vaut le double de l’autre alors que les contenus paraissent tant similaires…
Là, son œoeil glisse un peu plus loin, dans le rayon cold, et elle voit, dans une petite vitrine en verre, des boites de préservatifs scrupuleusement bien alignées et rangées… C’'est pour ne pas prendre froid ? Ou alors je n’ai pas tout compris ? Pourquoi sous verre ? C’est une petite exposition ? Je n’ai toujours pas trouvé de réponse… Si vous avez une explication à me donner là dessus je suis preneuse.
Enfin. Madame Michu s'’est décidée. Elle a fini par trouver des pastilles et un sirop qui fait tout : calme la toux, fait tomber la fièvre, diminue la douleur et décongestionne le nez. Elle passe alors à la caisse et peut enfin rentrer chez elle pour (1) reprendre son calme et (2) se soigner.
Bilan de l'’opération : 23 minutes, passage en caisse compris. Frais occasionnés : 10 dollars.
Moralité : je ne sais pas vous, mais moi, puisque c'’est comme ça, je retourne en Europe me faire dorloter par mes chers parents qui se feront un plaisir de m’'avoir à la maison et de courir à la pharmacie pour me soigner…
De toute façon, on sait bien ce que disent les médecins : un rhume non soigné s’'évapore en quinze jours, si on le soigne on n’en a que pour deux semaines. Bref on sait déjà que ça va être le bonheur.
Le malade avisé sait que quoi qu'’il en soit, et vu le nombre de jours de congé annuels octroyés à un employé dans une société américaine, il a plutôt intérêt à se remettre au plus vite s'’il ne veut pas passer les mois suivants à admirer les restes de son bureau, posés dans un carton, au pied de son lit, en s’'apitoyant sur son triste sort.
Le voici donc parti en quête d’'un drug store. Pas pour de la morphine, vous l’'aurez compris, mais dans l'’espoir d’'y trouver quelques pastilles utiles à soulager ses maux.
L’'Amérique faisant bien les choses, votre Duane Reade (ou CVS Pharmacy et concurrents) vous indique comme dans les grandes surfaces, le rayon où vous allez trouver votre bonheur. En fait vous risquez d’'y trouver surtout un peu plus que votre bonheur. D’'ailleurs ça aurait du nous inquiéter dès le départ, de savoir qu’'ils ont un rayon entier intitulé « cold ». Mais comme nos neurones justement sont un peu raplapla, ils n’ont pas tilté sur le coup. On entre dans le rayon à petits pas, peur soudaine d’'être phagocytés par cette émergence et ces résurgences de mots en gras, en italique, de rouge qui nous saute aux yeux, de qui mieux que les autres de tous ces produits saura attirer notre attention.
On ne parle plus dans ce bas monde d’'efficacité des produits, tout est sous jacent aux batailles marketing que se livrent les compétiteurs d’un marché à grand coup d’offres spéciales. Ce qui est sans compter les sournoises marques blanches (autrement nommées marques distributeur, donc « Duane Reade », par exemple, pour ceux qui n’'auraient pas suivi) qui tentent désespérément de mettre un coup de pied dans la fourmilière, force de publicité comparative, en assurant qu’'elles font aussi bien que Machin mais en moins cher – et elles ont raison, car le médoc sort des mêmes fabriques.
Imaginez notre bonne Madame Michu. En France, elle arrive au comptoir de sa pharmacie, demande entre deux quintes de toux au préparateur un médicament sans ordonnance – mettons, un sirop, et des pastilles –et le pharmacien dans sa grande bonté lui ramène un flacon de Vicks et des pastilles Drill (nota – échantillonnage de marques pris au hasard, toutes mes confuses aux concurrents). Elle paie et rentre chez elle.
Bilan de l’'opération : 3 minutes, attente comprise. Frais occasionnés : allez, mettons 6 euros, et on est encore généreux.
Imaginez maintenant cette même Madame Michu dans votre Duane Reade. Elle, se disant qu’'après tout le plus simple est encore d’'aller demander au préparateur de lui dégoter la solution miracle, se heurte au mur de l’'amabilité du préparateur sus-cité en train de feuilleter une revue, et qui, dans un élan de lassitude, se contente de lui indiquer d’un geste agacé, le rayon « cold ». Madame Michu sans perdre son sang froid s’'y dirige donc, et se trouve nez à nez avec une ribambelles de produits dont elle ignorait même l’'existence. Qui de ses pastilles à la menthe, qui de son sirop « plus efficace que les pastilles », qui de son spray « qui soulage plus qu’'un simple sirop », qui de ses feuillets qui fondent sur la langue « plus facile d’utilisation qu’un spray ». Qui à la menthe, qui au miel, qui à la cerise (chimique, cela va sans dire). Evidemment, chaque produit se décline en plusieurs marques, plusieurs saveurs, plusieurs tailles et plusieurs prix. Madame Michu se dit aussi bien qu’'elle pourrait rentrer à la maison et prendre un doliprane (mais pour ça il faudrait qu’'elle trouve l'’équivalent dans le rayon adjacent, et rien que l’'idée de se remettre à chercher un autre truc dans cette débauche de référencement lui donne des sueurs froides). Alors Madame Michu fait comme tout le monde, elle prend un peu au hasard, elle lit les étiquettes de deux boites, cherchant à comprendre pourquoi l’'une vaut le double de l’autre alors que les contenus paraissent tant similaires…
Là, son œoeil glisse un peu plus loin, dans le rayon cold, et elle voit, dans une petite vitrine en verre, des boites de préservatifs scrupuleusement bien alignées et rangées… C’'est pour ne pas prendre froid ? Ou alors je n’ai pas tout compris ? Pourquoi sous verre ? C’est une petite exposition ? Je n’ai toujours pas trouvé de réponse… Si vous avez une explication à me donner là dessus je suis preneuse.
Enfin. Madame Michu s'’est décidée. Elle a fini par trouver des pastilles et un sirop qui fait tout : calme la toux, fait tomber la fièvre, diminue la douleur et décongestionne le nez. Elle passe alors à la caisse et peut enfin rentrer chez elle pour (1) reprendre son calme et (2) se soigner.
Bilan de l'’opération : 23 minutes, passage en caisse compris. Frais occasionnés : 10 dollars.
Moralité : je ne sais pas vous, mais moi, puisque c'’est comme ça, je retourne en Europe me faire dorloter par mes chers parents qui se feront un plaisir de m’'avoir à la maison et de courir à la pharmacie pour me soigner…