21 décembre 2004

Survivre aux USA


Et voilà, aux premiers souffles du blizzard, et malgré force cache-nez, col roulé et autres subterfuges, on se réveille un matin avec les yeux gonflés de sommeil, le nez rougi par trop de mouchages intempestifs et la gorge aussi sèche que le désert du Sahara. Ce n'’est rien et c'’est horrible, c’'est juste une petite grippe de saison.

De toute façon, on sait bien ce que disent les médecins : un rhume non soigné s’'évapore en quinze jours, si on le soigne on n’en a que pour deux semaines. Bref on sait déjà que ça va être le bonheur.
Le malade avisé sait que quoi qu'’il en soit, et vu le nombre de jours de congé annuels octroyés à un employé dans une société américaine, il a plutôt intérêt à se remettre au plus vite s'’il ne veut pas passer les mois suivants à admirer les restes de son bureau, posés dans un carton, au pied de son lit, en s’'apitoyant sur son triste sort.
Le voici donc parti en quête d’'un drug store. Pas pour de la morphine, vous l’'aurez compris, mais dans l'’espoir d’'y trouver quelques pastilles utiles à soulager ses maux.
L’'Amérique faisant bien les choses, votre Duane Reade (ou CVS Pharmacy et concurrents) vous indique comme dans les grandes surfaces, le rayon où vous allez trouver votre bonheur. En fait vous risquez d’'y trouver surtout un peu plus que votre bonheur. D’'ailleurs ça aurait du nous inquiéter dès le départ, de savoir qu’'ils ont un rayon entier intitulé « cold ». Mais comme nos neurones justement sont un peu raplapla, ils n’ont pas tilté sur le coup. On entre dans le rayon à petits pas, peur soudaine d’'être phagocytés par cette émergence et ces résurgences de mots en gras, en italique, de rouge qui nous saute aux yeux, de qui mieux que les autres de tous ces produits saura attirer notre attention.
On ne parle plus dans ce bas monde d’'efficacité des produits, tout est sous jacent aux batailles marketing que se livrent les compétiteurs d’un marché à grand coup d’offres spéciales. Ce qui est sans compter les sournoises marques blanches (autrement nommées marques distributeur, donc « Duane Reade », par exemple, pour ceux qui n’'auraient pas suivi) qui tentent désespérément de mettre un coup de pied dans la fourmilière, force de publicité comparative, en assurant qu’'elles font aussi bien que Machin mais en moins cher – et elles ont raison, car le médoc sort des mêmes fabriques.

Imaginez notre bonne Madame Michu. En France, elle arrive au comptoir de sa pharmacie, demande entre deux quintes de toux au préparateur un médicament sans ordonnance – mettons, un sirop, et des pastilles –et le pharmacien dans sa grande bonté lui ramène un flacon de Vicks et des pastilles Drill (nota – échantillonnage de marques pris au hasard, toutes mes confuses aux concurrents). Elle paie et rentre chez elle.
Bilan de l’'opération : 3 minutes, attente comprise. Frais occasionnés : allez, mettons 6 euros, et on est encore généreux.

Imaginez maintenant cette même Madame Michu dans votre Duane Reade. Elle, se disant qu’'après tout le plus simple est encore d’'aller demander au préparateur de lui dégoter la solution miracle, se heurte au mur de l’'amabilité du préparateur sus-cité en train de feuilleter une revue, et qui, dans un élan de lassitude, se contente de lui indiquer d’un geste agacé, le rayon « cold ». Madame Michu sans perdre son sang froid s’'y dirige donc, et se trouve nez à nez avec une ribambelles de produits dont elle ignorait même l’'existence. Qui de ses pastilles à la menthe, qui de son sirop « plus efficace que les pastilles », qui de son spray « qui soulage plus qu’'un simple sirop », qui de ses feuillets qui fondent sur la langue « plus facile d’utilisation qu’un spray ». Qui à la menthe, qui au miel, qui à la cerise (chimique, cela va sans dire). Evidemment, chaque produit se décline en plusieurs marques, plusieurs saveurs, plusieurs tailles et plusieurs prix. Madame Michu se dit aussi bien qu’'elle pourrait rentrer à la maison et prendre un doliprane (mais pour ça il faudrait qu’'elle trouve l'’équivalent dans le rayon adjacent, et rien que l’'idée de se remettre à chercher un autre truc dans cette débauche de référencement lui donne des sueurs froides). Alors Madame Michu fait comme tout le monde, elle prend un peu au hasard, elle lit les étiquettes de deux boites, cherchant à comprendre pourquoi l’'une vaut le double de l’autre alors que les contenus paraissent tant similaires…
Là, son œoeil glisse un peu plus loin, dans le rayon cold, et elle voit, dans une petite vitrine en verre, des boites de préservatifs scrupuleusement bien alignées et rangées… C’'est pour ne pas prendre froid ? Ou alors je n’ai pas tout compris ? Pourquoi sous verre ? C’est une petite exposition ? Je n’ai toujours pas trouvé de réponse… Si vous avez une explication à me donner là dessus je suis preneuse.
Enfin. Madame Michu s'’est décidée. Elle a fini par trouver des pastilles et un sirop qui fait tout : calme la toux, fait tomber la fièvre, diminue la douleur et décongestionne le nez. Elle passe alors à la caisse et peut enfin rentrer chez elle pour (1) reprendre son calme et (2) se soigner.
Bilan de l'’opération : 23 minutes, passage en caisse compris. Frais occasionnés : 10 dollars.

Moralité : je ne sais pas vous, mais moi, puisque c'’est comme ça, je retourne en Europe me faire dorloter par mes chers parents qui se feront un plaisir de m’'avoir à la maison et de courir à la pharmacie pour me soigner…

30 novembre 2004

New York: I wanna be a part of it

New York est une ville qu'’on adore, qu’'on adule, qu’'on déteste et que l’'on vomit à la fois. S'’il y a bien une ville dans le monde à qui l’'on doit le charme de cette duale attraction / répulsion, alors c'’est celle-ci, the « greatest city of the world ».

Nourris à grand coups de productions hollywoodiennes, partout sur la planète, des générations entières se pressent à sa porte, tels les gamins le nez collé aux vitrines Macy’s à l'’approche de Noël, pour se frotter d’'un peu plus près au rêve, se prendre au jeu, se perdre dans Manhattan et sa forêt de gratte-ciels interminables.

Voir New York et mourir. Y être venu pour deux jours ou deux ans, le sentiment reste le même. Après l’'émerveillement, le choc culturel, on réintègre ses pénates, on reprend sa petite vie en rangeant proprement ses souvenirs sur une étagère que le temps se chargera d’'empoussiérer. Et puis un jour, bêtement, on allume sa télé, et on se prend au jeu du mange-cerveau, la bouche ouverte, et à crier à qui veut bien l'’entendre « c’'est New York à la télé, viens voir ! ». Comme si le reportage avait été fait juste pour nous, là, qui en revenons. Et cette bande annonce au cinéma, nouvelle production dont l’'intrigue se déroule encore et toujours à Manhattan.
Le cœoeur, dépoussiéré, soupire alors, explose de souvenirs, et d’'avoir trop expiré se crée en nous une sorte de vide étrange, de sentiment de manque, de vertige, le reportage est déjà terminé, la bande annonce achevée, et pourtant on en voudrait encore et encore…

New York possède cet étrange effet sur les expatriés et touristes qui y ont posé le pied, de provoquer, telle une drogue, des effets de manque. On est en Espagne et on fronce le nez en s'’installant dans une salle de cinéma riquiqui, encore plus en entendant la voix doublée des acteurs. On s’'en prend à regretter New York, ses mangeurs de pop-corn, bruyants, affalés et greffés de sodas qui font slurp au paroxysme de l'’intrigue du film.

Tout vous y ramène. Informations, musiques, films, romans, politique, amis, parents. Certains jours il semblerait à vos yeux que le monde tourne autour de cette ville. Toutes les tendances semblent s’'y créer et en émerger pour ensuite lentement s’'insinuer dans le reste du monde. New York est la ville de l'’avant première.

New York agit étrangement sur ceux qui y retournent, aussi. Sentiment partagé d’'horreur et de nostalgie devant les amoncellements indécents de déchets attendant piteusement l'’hypothétique passage des éboueurs, au grand bonheur des colonies de cafards et rats qui y prolifèrent. Sentiment, aussi, plus optimiste. Fausse impression de chaleur retrouvée, dans les volutes de fumée émanant des bouches d’égout, impression satisfaisante d’'être au cœoeur du monde. De se poser dans son appartement minuscule, s’'endormir au son des sirènes de police et coups de frein des bus en se disant, pourtant « home, sweet home ».

C’'est quelque chose que ceux qui n’'y ont pas été ne comprendront peut-être jamais. La dualité là aussi réside. On a beau être revêche et critiquer la ville à qui veut bien nous entendre encore une fois, on ne peut s’'empêcher d’'être heureux de la retrouver, enfin. Regardez moi ces américains qui ne savent même pas apprécier un verre de vin avec un morceau de fromage, et qui nous interdisent l’'importation sauvage de charcuteries. Regardez moi ces américains qui croient encore que la pizza est leur invention et que Paris est une ville des States. Regardez moi ces américains qui se demandent si la télévision existe en France et si nous avons l’'eau courante. Regardez moi ces américains qui sont les seuls au monde à ne pas faire fonctionner tous leurs appareils électriques en courant alternatif 220 Volts. J'’en passe et des meilleures.

Mais, une fois ailleurs, ce goût de fiel en bouche s’'efface et, le nez tourné vers la ligne bleue de l’'Océan, on cherche à capter quelques effluves de cette métropole grouillante. Son odeur particulière. Son rythme effréné. Son assourdissant tumulte.
Tel le papillon de nuit trop attiré par la lumière, on aimerait toujours pouvoir retourner à New York, « pour voir comment la ville a changé », pour s’'amuser simplement, pour y retrouver des connaissances. A d’'autres. Dites surtout qu’'en vous est né ce sentiment de manque, cette impression de louper quelque chose en étant ailleurs que là. Déjà parti mais en esprit encore sur place. Sachant très bien, après toutes nos digressions fielleuses, qu’'on ne voudrait pas y faire sa vie, oh non, car ce n’'est pas sain, trop de pollution, trop de gens, trop de cafards. New York est ceci : trop.

New York fait rejaillir ainsi rejaillir sur nous ce sentiment étrange et partagé. A la première occasion, à peine la fenêtre ouverte, le papillon dans sa précipitation viendra s'’y brûler les ailes…

26 novembre 2004

L'essence des bars new-yorkais

Extrait du roman noir « Les Morsures de l'’Aube » de Tonino Benacquista. Ou le comment du pourquoi du ce qui fait le bar new yorkais…

Quand je pense que les américains ont annexé l’'Europe, que leur manque de culture est devenu le nôtre, qu'ils nous ont fourgué tout leur bric-à-brac absurde, leurs fringues, leur cholestérol, leurs images, leur musique et leurs rêves. Mais tout en oubliant l’'essentiel. Le bar.
Pas question de se laisser embobiner par l’'Oncle Sam pour tous les irréductibles du ballon de rouge et du zinc des tabacs, les adorateurs de l’'apéro, les joyeux imprécateurs du pastaga, ceux qui ont décroché le cocotier quand survient l’'inespérée tournée du patron. Les Français ont inventé le café mais ils ne sauront jamais ce qu’'est un bar et comment on y boit.
Le bar new yorkais, c'’est le tabouret haut perché avec vue sur ce bas monde, et d’'où il vaut mieux ne pas descendre. C’'est le barman qui ne sait rien voir, celui qui ne déchire pas nerveusement les tickets du tiroir-caisse en attendant le pourboire, mais qui vous offre le quatrième si on se sort bien des précédents, celui qui a compris que plus on offre plus on commande, celui qui ne cherche pas à gagner en glaçons ce qu’'il perd en alcool, celui qui sait dire aux turbulents : « je vous l’'offre mais c’est le dernier », celui qui vous propose de le suivre chez un collègue dès qu'’il aura fermé.
Le bar new yorkais, c’'est le cadre supérieur qui ne croit plus aux charmes du zapping, le chauffeur de taxi qui se repose des dingues en déroute, les femmes de quarante ans qui n'’ont ni sexe ni âge, et tout ce beau monde s’'effleure les coudes sans faire d’'histoires, sans chercher à vendre son malaise, parce qu'’après tout : chacun le sien.
Le bar new yorkais, c'’est des verres qui se laissent peloter sans qu’'on puisse les renverser comme ça, un comptoir en bois lisse où peuvent se réconcilier deux équipes de base-ball en enfilade. C'’est une barre en métal qui vous cale du tangage, c’'est le billet de vingt dollars qu'’on pose devant soi et qui disparaît dès qu’'on l’a éclusé. Dans un bar new yorkais, personne ne vous encourage à entrer, personne ne vous montre la porte. Dans un bar new yorkais, on ne racle pas le fond de sa poche dans l'’espoir d’un sursis.
Les bistrotiers parisiens ne comprendront jamais.

L’'instant suivant est devenu new yorkais, ma soudaine et agréable solitude, mon verre épais et lourd, rempli d'’un liquide épais et lourd, mon regard perdu dans les rangées de bouteilles, face à un serveur en veste blanche à qui on a envie de dire « le même, Jimmy. »

Mais… déjà le ciel blanchit
Esprit je vous remercie.
De m’avoir si bien reçu.
Cochers lugubres et bossus !
Ramenez-moi au manoir.
Et lâchez ce crucifix…
Décrochez moi ces gousses d’ail !
Qui déshonorent mon portail !
Et me cherchez sans retard
L’ami
Qui soigne et qui guérit
La folie qui m’accompagne
Et jamais ne m’'a trahi
Champagne…

Jacques Higelin

11 octobre 2004

101 choses à faire à San Sébastien

Sur demande des piliers d'EntreNewYork, voici un petit aperçu de ma vie trépidente de l'autre côté de l'Océan, dans la très jolie ville de San Sébastien.
Le lecteur se rendra ainsi compte que la vie est pleine d'imprévus qui remplissent les journées de sa chroniqueuse préférée.

1. Dire « Donostia » et non pas « San Sébastien » vous évitera qu'on vous prenne pour un touriste américain fraîchement débarqué. Bienvenue en Pays Basque.
2. Se promener dans la vieille ville et admirer les églises de San Vicente (XVIème siècle) et Santa Maria (XVIIIème siècle).
3. Se rendre compte comme d'habitude que le plan du guide du routard a oublié la moitié des rues et que l'autre moitié a changé de nom, entre temps.
4. Essayer d'aller au musée mais là aussi, maudire le guide qui s'est planté dans les horaires.
5. Dîner de pintxos.
Note. Le basque est susceptible. Chez lui on ne parle pas des tapas comme dans l'Espagne castillane mais on de pintxos (prononcez pinechausse). On risquerait fort de vous prendre pour un touriste américain sinon.
6. Apprendre le basque pour survivre sans qu'on vous prenne pour un touriste américain… Enfin au moins les bases. Le 'x' se prononce 'ch' et le 'k' final est un 's'. Ainsi on notera que bonjour se dit 'Kaixo', Au revoir 'Agur' et merci 'Eskerik asko' (mais là, on est autorisé à se fendre d'un 'Gracias' si on a peur de postillonner sur son interlocuteur).
7. Visiter l'Aquarium. Donostia possède en effet une jolie collection de petits requins, dont la majorité sont nés à l'Aquarium. Qui fournit également une bonne partie des aquariums d'Europe en plancton et algues. Qui l'eut cru.
8. Aller déjeuner au Kursaal, le restaurant de Martin Berasategui, chef basque de son état qui ouvre le XXIème siècle en mariant la cuisine traditionnelle locale à des trouvailles modernes de son invention. Succulent.
9. Digérer en se faisant la promenade jusqu'en haut du Monte Urgull, en allant doucement dans les lacets. La montée n'est pas très longue mais tout de même. Et puis après le repas c'est toujours difficile, mais nécessaire si on ne veut pas ressembler au touriste américain sus-cité.
10. Profiter du panorama en arrivant en haut. Pour admirer la ville que l'on voit entièrement, avec la baie de la Concha, mais également pour souffler un peu. C'est pas qu'on soit un touriste américain mais tout de même.
11. Décider le soir d'aller s'en mettre un coup derrière la cravate avec un baratton au milieu de ce panorama animé qu'est la vieille ville.
12. Passer dans un bar disco en attendant l'heure d'ouverture des boîtes (en théorie minuit, en pratique 1 heure, et en vérité avant 3 heures c'est vide).
13. Se mettre minable au rhum coca (dites : una « cubata » por favor) ou à la sangria (application : una sangria por favor).
14. Réussir à s'arracher sur le coup de 3 heures du matin pour aller faire un tour au Bataplan, temple de la techno local. Discothèque ultra moderne qui n'a rien à envier aux clubs hype de Manhattan, car elle donne sur la plage de la Concha et sa terrasse est fort appréciable.
15. S'émerveiller devant le prix des cocktails - 6 Euros (et encore, pour la ville, c'est cher).
16. Se commander un Mojito avec une paille et se le voir servir dans un verre à bière format pinte.
17. Agoniser un peu plus à cause de la fumée de cigarette.
18. Avoir les yeux qui pleurent et donc, finir par les fermer.
19. S'endormir sur la terrasse du Bataplan vers 6 heures, après avoir laborieusement achevé son Mojito.
20. Passer la barrière et terminer sa nuit, lové dans le sable, bercé par le bruit des vagues.
21. Se faire réveiller une heure plus tard par un régiment de mouettes toutes droit sorties de Finding Némo (A moi, A moi, A moi !)
22. Se réveiller en ayant la sale impression d'embaumer le mégot refroidi et avec un sacré mal de cheveux.
23. Se relever, épousseter le sable et aller se prendre un café à La Perla, juste au dessus. En terrasse pour décuver.
24. Passer ensuite sa journée à dormir, soit au fond de son lit.
25. Ou, si le temps le permet, en maillot de bain sur la très chouette plage de la Concha (et sans les mouettes), histoire de faire d'une pierre deux coups et de bronzer un chouia.
26. Se faire détremper sa serviette de bain pour avoir oublié que les marées de l'Océan Atlantique ont une envergure de plus de 40 centimètres, contrairement à la Méditerranée.
27. Avant de rentrer chez soi le soir, faire une escale dans une pharmacie pour s'enquérir de l'équivalent local de la Biafine.
28. Se réjouir d'avoir une colloc compatissante pour se faire tartiner le dos de la Biafine sus-citée.
29. Se réconcilier avec la vie devant une assiette de churros et de chocolat brûlant.
30. Réussir à terminer le chocolat sans s'étouffer. Une fois refroidi, il ressemble plutôt à de la crème Mont Blanc.
31. Se faire poser un piercing - moins cher qu'en France.
32. Souffrir ensuite en se rendant compte que piercing non cicatrisé et sable ne font pas vraiment bon ménage.
33. Sortir dans la rue sans parapluie.
34. Rentrer dix minutes plus tard dans la première boutique venue pour s'abriter.
35. Se racheter un parapluie dès que possible.
36. Se le faire arracher par une bourrasque de vent deux jours plus tard.
37. Décider d'investir à long terme : dans un imperméable avec capuche.
38. Aller voir un film sorti quatre mois plus tôt aux US.
39. Mourir de rire devant le doublage en Espagnol.
40. Se rassurer plus tard avec la version en DVD qui permet le choix en VO.
41. Profiter de l'école de coiffure du coin et aller se faire couper les cheveux pour la modique somme de 5 euros.
42. Aller se ruiner au casino.
43. Une fois bien ruiné, rentrer chez soi et se remettre au rythme de vie pépère de la ménagère de moins de 50 ans.
44. Couch-potato-iser devant la téloche.
45. Rester des heures devant des programmes gnan gnan parce qu'il n'y a pas de télécommande (à part vous).
46. Se lever pour aller faire la bouffe.
47. Se rendre compte dimanche matin que le frigo est désespérément vide.
48. Râler, évidemment… On reste français quelque soit la situation.
49. Réaliser dimanche matin que les supermarchés vont rester fermer jusqu'à lundi matin, 9 heures.
50. En profiter pour dégivrer et nettoyer le frigo sus cité, puisqu'il est vide.
51. Et, en vrac, on peut alors aussi : passer l'aspirateur, laver par terre, faire les vitres, la poussière, une petite lessive, du repassage, etc. …
52. Envisager de racheter un vélo d'occasion pour se balader plus facilement dans la ville.
53. Réaliser ensuite qu'il ne passe pas dans la cage d'ascenseur et que la co-propriété en interdit le stockage dans l'entrée.
54. Le laisser cadenassé au banc devant son immeuble.
55. S'en servir de temps en temps pour sortir, en le remettant toujours au même endroit.
56. Se rendre compte un matin que des petits malins vous l'ont piqué en prenant bien soin de vous laisser le cadenas au cas où vous décideriez d'en avoir un autre à leur refiler.
57. Jurer en français jusqu'à plus soif sur tout le trajet à pied jusqu'à l'Université.
58. Tenter de rester éveillé autant que possible pendant les quatre laborieuses heures de cours de la journée.
59. Sortir de cours et trouver sur le parvis de votre Université un chaton qui vient de se faire à moitié écraser, le train arrière paralysé.
60. Décider de se la jouer bonne samaritaine et de l'amener chez un vétérinaire.
61. Abandonner l'idée une fois que la bestiole vous a mordu jusqu'au sang.
62. Courir à la pharmacie la plus proche qui vous rassure en vous disant que si votre main enfle trop, c'est peut-être la rage, il faudra appeler les urgences.
63. Passer le reste de la journée à surveiller sa main et la voir bleuir doucement, le téléphone à portée de l'autre main valide prêt à dégainer le 112
64. Vérifier tout de même dans le dictionnaire comment on dit « mordre » et « bleuir » au cas où les urgences le demanderaient.
65. Aller se coucher après avoir ingurgité une aspirine, au cas où.
66. Se réveiller le lendemain matin et réaliser que la main a viré au rouge uniforme.
67. Entamer des fouilles archéologiques pour dégoter le formulaire E111 qui permet de bénéficier des soins médicaux dans l'Unions Européenne sans débourser un centime
68. Se souvenir que vos parents vous ont changé de mutuelle (le remboursement via la nouvelle sera tellement plus facile)
69. Aller prendre l'Eusko Tren, alias Topo du Pays Basque, qui vous emmène en 35 minutes à Hendaye en territoire civilisé où la Carte Vitale règne en sauveuse.
70. Se diriger vers la pharmacie judicieusement implantée devant la Gare.
71. Expliquer calmement pour la n-ième fois ce qui nous amène.
72. S'entendre dire que c'est grave et que comme on est samedi oublier le médecin et aller directement aux Urgences.
73. Monter dans un taxi et lui indiquer les Urgences de la Polyclinique de la Côte Basque Sud de Saint Jean de Luz. Avec le sourire, parce que s'il apprend que vous risquez d'avoir la rage, il va vous évacuer au premier feu rouge venu.
74. Ne pas le mordre, donc, le pauvre homme.
75. Arriver aux urgences à 9h32 a.m. tapantes.
76. Remplir le formulaire machin chouette qui demande pourquoi vous êtes venu (là, se féliciter que le chat n'ait pas mordu la main avec laquelle vous écrivez parce que vous n'êtes pas encore un expert en écriture avec le pied ou la bouche)
77. Aller se morfondre dans la « salle d'attente des familles » où la clim est trop forte, et le ficus se prend au jeu de l'automne en laissant tomber gaiement toutes ses petites feuilles.
78. Constater que pour l'instant vous ne bavez pas encore (c'est peut être pas encore la rage ?)
79. Imaginer des tas de morts différentes à cause de cette foutue blessure, dans le laps de temps que vous laissent les « Urgences » pour dépérir tel le ficus sur votre chaise dans la salle d'attente.
80. A 10h48, voir arriver une infirmière et se faire conduire dans une « salle de soins » où l'Urgentiste arrive de suite.
81. A 11h13, expliquer calmement pour la n+1-ième fois à l'Urgentiste qui vient d'arriver que vous avez soit le Tétanos, soit la rage, soit le Cancer du Sida (et que s'il ne se dépêche pas un peu plus vous allez le mordre, dans un pic de rage).
82. Le laisser vous tâter la main et appuyer là où ça fait très mal, toujours sans le mordre (quelle maîtrise de soi).
83. Chercher désespérément à se rappeler quand est ce qu'on a fait notre dernier rappel de vaccin contre le Tétanos pour éviter une piqûre.
84. Se laisser conduire dans la salle d'attente de traumatologie (« au cas où ce soit très infecté on va faire une radio »).
85. A 11h27, aller patiemment s'asseoir dans la salle de radiologie numéro 4, deuxième porte à gauche.
86. Avoir le temps d'étudier le décor de la salle en attendant le radiologiste en retard. Imaginer encore une douzaine de fins atroces dont la gangrène purulente.
87. A 11h38, se retenir de ne pas grogner ou baver quand le radiologiste manipule sans douceur votre mimine douloureuse pour la placer comme il l'entend sur la plaque afin de procéder à la radio, on ne bouge plus mademoiselle.
88. A 11h41, se faire reconduire dans la salle d'attente des familles avec le ficus pour qui on approche de l'hiver à grands pas.
89. A 11h58, se faire appeler par l'Urgentiste qui vous prescrit l'antibiotique « tueur de germes quels qu'ils soient », et de l'anti-inflammatoire/antidouleur à 1200 mg/jour (limite à ne pas dépasser sous peine d'un retour express aux Urgences de la Polyclinique de la Côte Basque Sud de Saint Jean de Luz).
90. Se faire ramener par le brave chauffeur de taxi de tout à l'heure qui est rassuré puisqu'on n'a pas la rage et tient donc absolument à vous faire la conversation.
91. Etre d'une zénitude absolue grâce aux médicaments qu'on vous a prescrits.
92. Feindre l'endormissement pour éviter de répondre aux questions du brave chauffeur de taxi (« et vous parlez basque ? Et vous habitez ici ? Et je suis pas trop curieux ?)
93. Rentrer chez soi et se préparer son petit cocktail de médocs miam miam.
94. S'écrouler pour une sieste bien méritée vous et votre main violette (oui, entre temps elle a viré au violet).
95. Se réveiller sur le coup de 17 heures et voir qu'il fait toujours beau.
96. Entendre à la radio qu'il fait presque 30°C et qu'on est un des points les plus chauds d'Europe en ce début de mois d'Octobre.
97. Aller se promener un chouia pour décompresser.
98. Appeler ses parents et leur dire qu'en fait on n'est pas encore mort, malgré le petit côté tombe-en-ruine de votre main.
99. Respirer l'air pur, admirer la beauté de l'Océan.
100. Regretter New York et sa pollution, pourtant.
101. Se motiver pour écrire les Lundis de Dolce Vita, et sous pression de son fan club, trouver « 101 choses à faire à San Sébastien »…

27 septembre 2004

La ménagère de moins de 50 ans

Revoilà Dolce Vita de l'autre côté de l'Océan, donc, depuis quelques semaines déjà. En Espagne installée la semaine passée. Et notre dynamique chroniqueuse de se retrouver au foyer ou presque…

Les pontes du marketing font souvent état d'une catégorie d'individus à cibler dans leurs campagnes de lancement de produits qui est la ménagère de moins de 50 ans - bien que le concept tende aujourd'hui à être segmenté d'une autre manière faute d'homogénéité nette. Il s'agirait d'une Madame Michu, femme au foyer de son état, entre 20 et 50 ans, qui n'a d'autre occupation pour tuer le temps que de choyer les siens, faire les courses, et tenir sa maison avec force joyeuses activités que nous abhorrons tous : ménage, aspirateur, lavage de sol, vitres, poussière, lavage du linge, étendage et repassage de ce dernier, préparations culinaires à répétition, vaisselle, litière du chat et cage du hamster.
Les marketeurs forts de ce constat se plient en quatre pour leur concocter des campagnes de publicité à la hauteur de leur attente : assez simples pour arriver sans encombres aux neurones de Madame Michu en train de faire la vaisselle, passer l'aspirateur, moucher le chat ou courrant après le hamster et assez originales pour que les neurones décident de s'en souvenir jusqu'au prochain passage au supermarché sans trouver ça trop cher (ou alors ce n'est pas grave, parce que ça fera tellement plaisir aux enfants). On arrive donc aux sempiternels « machin lave plus blanc » avec étude comparative citant les marques concurrentes aux US (ce qui est interdit en France et en Espagne par exemple, on appelle ça de la concurrence déloyale, bouh !), « vos enfants n'aiment pas le truc-cola alors achetez du Coca-Cola si vous ne voulez pas paraître naze » et « avec ce nouveau robot ménager payable en 348 mensualités vous allez épater votre petite famille ».
Si les marketeurs pensent bien à tout cela, ils oublient de dire combien il est frustrant de se retrouver coincée dans un appartement / une maison sans avoir aucun but précis à atteindre. Et le pire, c'est qu'on finirait par y prendre goût…
Prenez à cet égard le cas de Dolce dans son exil espagnol. Etudiante à nouveau après le hustle bustle de l'été new yorkais. Moins de 20 heures de cours hebdomadaires, réparties de manière équitable ce qui nous donne une moyenne de 4 heures de cours du lundi au vendredi, le matin et pas avant 9 heures s'il vous plaît. Moralité ? Vous retrouvez cette dernière avachie dans un canapé à partir de 15 heures (à peine après l'heure du déjeuner espagnol) s'interrogeant sur le sens de la vie et sur l'utilité contestée de la vaisselle à faire et qui se meurt dans l'évier.

Mais c'est que ne rien faire est fatiguant, à la longue. On en viendrait presque à des extrémités terribles : faire la sieste par exemple. Ou regarder la télévision. La télévision espagnole n'a rien à envier aux chaînes américaines. Mettons que Madame Michu (ou Dolce dans ce cas) décide d'allumer le poste pour passer l'après midi. Elle se retrouve devant des programmes de haut niveau intellectuel. En vrac, « El diario de Patricia », copie presque conforme de « C'est mon choix » avec l'Evelyne Thomas locale, où toutes les Madame Michu espagnoles se retrouvent pour dire « je suis laide, au secours », « ma fille ne me parle plus parce que je lui ai piqué son copain » etc. … On a aussi « La Granja », qui est la ferme locale, avec les célébrités sur le déclin de la péninsule hibérique - qui, si tant est qu'elles ne se cassent pas le nez en glissant dans une bouse de vache, pourront ensuite aller enterrer leur honte dans un bunker pour le reste de leur carrière.
La publicité ne nous laisse pas en reste. Comme aux Etats-Unis, les marketeurs ont bien compris le pouvoir intellectualisant de ces programmes. Il s'agit donc d'opérer des coupures de publicité de 10 minutes à un quart d'heure tous les quarts d'heure d'émission. Avec « machin lave plus blanc », « vos enfants n'aiment pas le truc-cola alors achetez du Coca-Cola si vous ne voulez pas paraître naze », « avec ce nouveau robot ménager payable en 348 mensualités vous allez épater votre petite famille » et « n'oubliez pas de regarder le spécial « Diario de Patricia » demain soir à 22 heures ». Car au cas où on ne serait pas encore assez abruti, l'Espagnol rusé se fend aussi pour notre bon plaisir de pages de publicité avant les informations, pendant les informations et après les informations. Ce qui nous mène donc sans encombre nos neurones ankylosés devant le petit écran au film du soir, à 22 heures tapantes.
Je vous le dis tout de go, je n'ai jamais encore réussi à regarder un film en entier sur ma télé en Espagne. Je m'endors toujours avant la fin. Je suis d'abord curieuse de voir un film américain doublé en espagnol - avec toute la nuance d'intonations que peut avoir Droopy dans une crise de fou rire de la part des doubleurs - et sans réelle concordance entre le mouvement des lèvres et les paroles prononcées par les acteurs. Je me hérisse devant les voix de Bruce Willis et autres qui ne correspondent pas du tout. Puis au bout d'un quart d'heure, publicité. Je profite de la première pause pour faire un rapide aller retour à la salle de bain. En fait je pourrais prendre mon temps car la pause dure un quart d'heure. Puis j'ai le droit à nouveau de voir 1/4 d'heure de film. Et au moment crucial, nouvelle coupure ! Bref à minuit passées je suis à peine à la moitié du film que j'essaie désespérément de suivre (non, « lave plus blanc » n'en fait pas partie), j'avoisine le QI de la crevette et je m'endors devant la publicité.

Le plus déprimant de tout ceci, pourtant, n'est pas tant l'oisiveté en soi, mais le fait de se sentir honteux et désoeuvré, honteux de n'avoir rien à faire. Comment ? Mais visiter la ville, se mettre au jogging, préparer un triathlon, prendre des cours de danse, que sais-je… Certes. Mais on a toujours cette satanée sale impression de ne rien faire. Rien faire d'utile. Là est toute l'ingéniosité de notre société qui réussit en un tour de main à nous rendre le travail indispensable à l'accomplissement.

Bon. C'est pas tout ça, mais je dois y aller, moi, j'ai mon réfrigérateur à nettoyer, maintenant qu'il est dégivré…

13 septembre 2004

Le revers de la médaille

Apres l'extase du retour en France, on soupire sur ce qui était bien, aussi, de l'autre côté de l'Océan…
La liste est, évidemment, non exhaustive…

1. Il y a des français plein les rues. On a beau faire, on les comprend et on les entend parler. On ne peut s'empêcher de capter des bribes de conversation qui nous exaspèrent. (« Mais si j't'assuuuuuuure…. Ouais et pis après il m'a dit ça…. Nooooonnnnn…. » etc. …)
2. Au restaurant, vous allez attendre les calendes grecques avant que le serveur ne s'approche de vous, et encore un peu plus avant d'avoir un sacro-saint verre d'eau. Dans ces moments la je regrette l'Américain qui vous apporte ça comme si vous veniez de traverser la vallée de la Mort en plein mois d'août.
3. La section non-fumeur était tout le restaurant. La, c'est un mur invisible entre deux tables. Bien sûr le restaurateur a pris soin de dire à la fumée de ne pas le dépasser. Tout de même.
4. Vous avez d'ailleurs l'impression d'être dans la vallée de la Mort en plein mois d'août parce que la climatisation n'est pas monnaie courante sur le vieux continent.
5. Bercée par le ron-ron de l'air conditionné, le calme me déstabilise à présent.
6. Je me résigne à ne plus voir les films avant tout le monde.
7. Les films sont doublés en français.
8. On a le bonheur de pouvoir continuer à regarder les très belles emissions du style Temptation Island et d'autres shows de la poor-reality-TV.
9. Le supermarché n'est pas ouvert le dimanche. Ni à minuit un jour de semaine.
10. Personne ne me demande comment ça va dans une boutique.
11. Le 'so called' beurre de cacahuète français ne devrait même pas avoir le droit de s'appeler comme ça.
12. Je ne trouve plus de cheese cake (sauf dans l'Est, la tarte au fromage… mais ce n'est pas pareil)
13. Ni de donuts, ni de cream cheese, ni de bagels.
14. Le restaurant Pétrossian à New York est encore à des prix abordables. En France hors de prix.
15. Je lutte pour trouver un café digne de ce nom que je peux emporter pour boire dehors, sans le payer un prix exhorbitant à la terasse d'un troquet comme je pouvais le faire à tous les coins de rue, au Starbucks.
16. Dans la rue je me remets à faire attention pour ne pas marcher dans les crottes de chien.
17. Personne ne sait ce qu'est une pink lemonade. (« Une punk lemaquoua ? »)
18. Un Cosmopolitan est un magazine à pubs. Pas une boisson. De toute façon on ne trouve pas de jus de cranberries en France… Comme ça le problème est réglé.
19. Les taxis sont hors de prix. De toute façon je n'en trouve jamais un dans la rue, je suis obligée d'appeler. Et je paie aussi le coup de fil.
20. Et le métro ne fonctionne pas 24h/24.
21. La météo est devenue l'émission phare qui permet à l'animateur de se mettre en vedette en cachant les petits soleils qui bordent la côte d'azur et nous empêche de lire combien il va faire froid à Brest demain parce qu'il est toujours devant. Soit dit en passant ils se plantent d'ailleurs souvent alors qu'ils ont de supers ordinateurs ultra modernes pour faire tous les calculs à leur place.
22. A Paris la taille des tables de brasserie est ridiculement minuscule.
23. Dans les cafés, les restaurants, les discothèques… tout le monde fume à qui mieux mieux… J'étouffe. Et quand je rentre chez moi, mes vêtements et mes cheveux embaument le tabac froid.
24. Il faut à nouveau que je pédale pour avoir Internet, et le modem 56K peine terriblement, du fin fond de ma verte Meuse.
25. Et si je n'ai rien à faire ce soir, eh bien… je n'ai rien à faire ce soir. A part compter les moutons ou les tracteurs des voisins, et les piafs du jardin.
26. Le premier supermarché est à 15 kilomètres et ferme à 20 heures.
27. Le premier bureau de poste est à 7 kilomètres et ferme à 16h30 - mais à 16h15 en réalité il n'y a déjà plus personne.
28. Je suis sûre qu'à l'instar des paysans américains, ceux de Meuse ne savent pas bien non plus si c'est le soleil qui tourne autour de la Terre ou la Terre autour du soleil (d'ailleurs elle peut tourner parce qu'elle n'est pas plate… elle est pas belle la vie ?)
29. Le français est chauvin et renfermé. Son pays est le plus beau du monde, alors pourquoi ai-je envisagé un instant d'aller voir ailleurs si l'herbe y était plus verte ?
30. Le français déteste l'américain. De New York ou d'ailleurs. Il l'admire mais le yankee l'insupporte. C'est comme ça. Alors un français qui est allé y passer un bout de temps, je vous laisse imaginer…

Mais peut-être suis-je bientôt sauvée ? A Metz comme à San Sébastien, Subway vient d'ouvrir ses premières échoppes. Je peux « manger frais » de « délicieux sandwichs » - c'est la pub qui le dit… Affaire à suivre !

06 septembre 2004

Adieu NYC, vieux continent me (re)voilà

Ca y est, Dolce Vita a refait ses valises pour la n-ieme fois et se retrouve pour un temps au pays de Moliere.
Comment s'extasier sur tout ce qui vous paraissait normal auparavant et qui desormais tient du miracle…
1. Les douaniers se moquent bien de savoir d'ou vous venez et pourquoi vous revenez. Vous avez un passeport local. Et pas de visa qui expire avant hier.
2. Les supermarches sont un miracle d'organisation. Le papier-toilette ne cotoie pas les petits-pois en boite de conserve et les brosses a dent electriques.
3. Les alles de supermarche sont assez larges pour que deux caddies se croisent.
4. Les proprietaires de caddies sont assez minces pour ne pas rester coinces entre leurs caddies lorsqu'ils se croisent.
5. Les fruits ont une taille et une couleur raisonnable. Les legumes transgeniques sont aussi disponibles, mais on connait encore les produits du terroir
6. Les yaourts en portion individuelle de 125 grammes existent toujours
7. L'Evian n'est pas a deux euros la bouteille
8. Et le Nutella en petit pot a moins de 5 euros fait bien partie de cette planete
9. Le lait ressemble enfin a du lait - bourre de matieres grasses, sans adjonction de vitamine A ou D, non homogeneise…
10. Le fromage n'est pas pasteurise. Non le morbier ne coute pas 10 euros les 100 grammes en France.
11. Il existe un rayon entier pour le chocolat en tablettes. Avec de tres jolis presentoirs qui doivent couter super cher a l'annonceur. Et pas de 'low carb' ecrit toutes les trois lignes.
12. Et au moins deux rayons pour les vins et spiritueux. A moins de 10 euros. Et bons.
13. Le café n'est pas du jus de chaussette. Le mot expresso fait partie du vocabulaire de base.
14. Au restaurant, on ne vous jette pas l'addition sur la table au moment ou vous entamez votre plat principal.
15. Vous n'avez pas a expliquer a vos amis pourquoi vous vous delectez en mangeant du foie d'oie sature de graisse (non ca n'est pas low carb et c'est pour ca que c'est bon)
16. Et vous pouvez prendre du vin a table, ca ne fait pas du tout mauvais genre. Bien au contraire.
17. A midi vous pouvez trainer deux heures au restaurant. Et ne plus coller des miettes sur la barre espace de votre ordinateur pour ensuite vainement tenter de les en retirer avec les doigts encore couverts de moutarde.
18. La moutarde, la vraie, vient de Dijon. Pas de chez Heinz.
19. Plus de calculs a l'aide de la calculatrice ultra-pas-pratique de votre telephone portable pour evaluer le tip a laisser au serveur. Et le service est compris dans le prix.
20. Le soir pour un diner d'affaires on ne vous propose pas de se retrouver au restaurant a 18 heures tapantes.
21. La Baguette est de retour ! Et les croissants, et les pains au chocolat…
22. Vous pouvez faire un exces de vitesse sur l'autoroute. Le tapis, sans nid de poule, permet cette fantaisie.
23. Vous pouvez faire un exces de vitesse sur l'autoroute. On ne vous arretera pas en vous demandant de mettre les mains sur la voiture en vous braquant avec un flingue.
24. Une Golf est une voiture de taille tout a fait normale de ce cote ci de l'Ocean. Alors que de l'autre, on avait l'impression d'etre au volant d'une Smart en regardant les vehicules autour de nous.
25. On trouve enfin a se garer pour moins de huit dollars la demi-heure.
26. Vous comprenez sans vous arracher les cheveux le systeme metrique, les temperatures en degres Celcius et les contenances en litres.
27. Le papier a une taille normale : 21x29.7 cm.
28. Les prises ont une tete familiere et le systeme electrique est en 220 volts. Vous pouvez enfin reutiliser votre seche-cheveux fetiche.
29. Les machines a laver lavent veritablement. Et commencent leur cycle a l'eau froide. On n'est pas oblige de mettre du pshit sur toute tache suspecte avant de lancer une lessive.
30. Vous n'etes pas oblige d'aller suer des heures dans une salle de sport climatisee pour faire comme tout le monde a New York.
31. Vous pouvez enfin suivre un film sans avoir a subir les 32 publicites habituelles.
32. Vous avez le droit de fumer dans un restaurant en prenant votre café. Sans etre oblige de sortir.
33. C'est la renaissance du quart d'heure de politesse que vous pouvez vous octroyer pour arriver en retard.
34. Vous ne payez pas pour les appels entrants de votre telephone portable.
35. La climatisation ne vous donnera pas l'impression d'etre en plein mois de novembre alors qu'il fait 35 degres dehors (Celcius).
36. Vous avez le droit de faire la gueule.
37. Vous avez le droit de ne pas demander a tout le monde comment il va aujourd'hui avec un sourire ultra bright.
38. Bush n'a pas encore annexe nos belles provinces pour se frayer un chemin direction l'Eldorado du Petrole.
39. Les cafards, s'il y en a, ne sont pas aussi bien nourris et donc pas si gros. Plus facile a chasser et a ecraser sans repeindre l'appartement…
40. And last but not least : Vous avez le droit de vous plaindre de tout, vous etes francais… 

30 août 2004

Le dilemme de l'expatrié

L''expatrie est comme cet oiseau de Beaudelaire, l'Albatros. En exil quelque part, heureux peut-etre, incomplet souvent.

L''expatrie fait en permanence face a ce cruel paradoxe : partir et vouloir rester, eternel dilemme. Envie d'ailleurs et peur de louper quelque chose en quittant cet ici rassurant. Un parent qui decline, une naissance a venir, des amis tout simplement. Tout ce petit monde qui se presse le sourire aux levres et le coeur gros, quand vous partez, a grand coup de bon voyage, bonne chance, ecris nous !

A la bonne heure, boheme nous voila, partis bien accorches, deracines, heureux pour un temps, malheureux comme les pierres et en extase devant notre nouvelle terre. Les amis avec le temps s'effacent faute de nouvelles, on n'a pas voulu prendre le temps de les appeler, de leur rappeler qu'on les aimait toujours, qu'on etait la. Alors ils ont oublie, continue a construire leur vie, la votre entre parentheses. Quand on rentre tout a change, ils n'ont pas attendu, ne vous attendent pas forcement. Non, tout le monde ne va pas se jeter a vos pieds parce que vous rentrez pour trois jours. L'anniversaire du petit dernier, le week-end chez Mamie prevu depuis des lustres, tu comprends, il aurait fallu que tu nous dises plus tot, attends je te rappelle, je dois moucher le chat.

Oui, mais moi, plus tot je ne sais pas et je ne peux pas. Je vis dans une ville tourbillon, sur un mode instantane ou je lance mes soirees a la derniere minute comme je rentre en Europe en coup de vent. Autour de moi on agit de la sorte, la norme pour moi est de ne pas prevoir si loin. La norme pour moi est de croire qu'on m'attend comme le messie lorsque je pose un doigt de pied sur le vieux continent. On ne se comprend plus. On a vecu tant d'histoires, vu tant de choses differentes... On evolue dans cette metropole grouillante qui fait rever tant d'esprits, nous. On voudrait parler de ce qu'on ressent, on nous demande de causer architecture. La fissure nait de l'incomprehension, de ce froncement de sourcil annonciateur de faille, de cet instant ou l'esprit se demande pourquoi l'autre qui auparavant aurait dit oui, fait maintenant la moue et n'en veut plus rien savoir, veut juste boire nos paroles et s'extasier sur LA ville.

Impression dechirante de toujours laisser derriere soi une partie de sa vie, sans savoir bien pourquoi. Saigner mais partir, et dans nos yeux rives vers l'ailleurs, les larmes de memoire brouillent l'image de notre devenir que nous voulions net et qui ne l'est pas, qui ne l'est plus.
On se retrouve sur un autre continent, une autre terre promise, perdu, seul au milieu de la foule avec cette envie irrepressible de crier sa joie et son desaroi. On apprehende, on est heureux, on est triste a la fois, detonnant melange qui au moindre souci fait exploser le contenu delicat, rires ou fontaine, c'est selon.

Ah la boheme ! Parlons en. Une valise dans chaque main et nos yeux pour pleurer. On voudrait l'aventure sans le dechirement continuel des departs sur fond d'annonces de compagnies aeriennes. Si Kleenex devait remercier une communaute, ce serait celle des expatries.

De cette boheme repetitive, de ces departs diluviens, de ces valises trop portees nait un sentiment etrange, qui, parfois, genere un instant de malaise autour de nous. A trop dire au revoir, on a parfois perdu le gout de chercher a connaitre, a connaitre veritablement, les ames qu'on cotoie. Parce qu'on sait que dans un mois, six mois, un an, on ne les reverra plus jamais. Alors quoi bon ?

L'expatrie perd ce cadre rassurant du pays qu'il connait, de ses amis toujours la, du supermarche au coin de la rue, Madame Michu qui sort Mirza a 8h12, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. L'expatrie perd l'habitude. Cette habitude, douillette, rassurante. Pas etonnant qu'a New York ou Singapour il se raccroche au premier francais venu. Il a besoin malgre tout de croire en sa vie ici, quelle que soit la duree de son sejour.

Et c'est la son paradoxe. Il se veut aime ici ou la, entoure et cajole, cherche a connaitre autour de lui, mais diantre, pas trop... Sinon il s'attacherait, un peu, beaucoup. Alors il sort, fait croire qu'il est heureux comme ca, qu'a New York, il est le roi du monde, d'analyste financier il s'investit et s'invente une couverture de trader, et se perd dans l'oubli des nuits interlopes de Manhattan. De peur, peut etre, qu'il ne se rappelle ce qu'il a laisse, la bas, en France ou ailleurs... Un amour, sa famille, ses souvenirs. Vague a l'ame qu'il repousse a coup de Chasse-Spleen vendanges tardives. Melancolie qui reprend en soupir majeur au cri strident du reveil matin.

Il s'habitue pourtant, oui, car on s'habitue a cette nouveaute offerte, on y recree ainsi un microcosme cocon pour faire le paon en soiree et flaner chic. N'est pas a New York qui veut.
Un jour pourtant, on reprend la route, on tente d'enfermer a jamais dans une malle des souvenirs qui n'y tiennent pas, on partage, on donne, on jette, on soupire, on pleure, on tasse, on se tait, c'est fait, c'est ferme.

On passe sa vie mal assis sur le fauteuil decharne d'un aeroport a regarder les touristes qui font voyager leurs appareils photos. On a le coeur gros comme la ville au milieu de cette joyeuse indifference qui defile autour de nous.

Partir, c'est mourir un peu. On se veut fort, mais notre carapace craquelle vite aussi...

24 août 2004

Montréal, en avion et à pieds


Dernières nouvelles du front new-yorkais.
Enfin, New-Yorkais, pas tant que ça ces derniers temps, étant donné que j’étais à Montréal le week-end dernier. Avec un jour de congé en plus, ce lundi, cela fait des petites vacances tout à fait acceptables.
Samedi, on est arrivé à vers midi à l’aéroport (oui, les stars prennent l’avion, c’est bien connu), le temps de poser les bagages à l’hôtel, et de partir se balader, ça nous a laissé toute l’après-midi. On a marché dans les quartiers jusqu’au vieux port via Chinatown et la vieille ville, la place d’Armes, etc. … Ensuite, on a retraversé la ville dans l’autre sens via le quartier des affaires (désert, un samedi après-midi, certes), et un petit bout des galeries de la « ville souterraine », et jusqu’à l’Université Mag Guill.
Samedi soir, fatigués, on est allé dîné dans un petit restaurant près de notre hôtel avant de s’écrouler.
Dimanche, levé vers 10 heures, on est allé nager comme des braves sportifs à la piscine de l’hôtel, pour nous donner bonne conscience et aller se faire un brunch dans la foulée ! Ne connaissant pas assez la ville, on a demandé conseil au concierge qui nous a aignuillé vers le Lutécia, restaurant de l’Hôtel de la Montagne. Pouru $35 (canadiens), c’était gargantuesque. Buffet d’entrées pour commencer - carpaccio de saumon et St Jacques, bagels divers et variés… - après cela, on a eu un peu plus de mal, car le brunch enchaînait sur trois plats. Un œuf poché aux épinards (jusque là, ça allait), puis un pavé de saumon grillé (après ça je n’avais plus très faim) et une tranche de rôti en sauce avec petits légumes et gratin daufinois (là, j’ai carrément calé)…. Sachant qu’après, il y avait un buffet de fromages et desserts à tomber par terre – entre autres de la mousse au chocolat blanc et des réductions sucrées avec des fruits : à se damner.
Ensuite il a fallu se lever de table… dur !
On est allé l’après-midi au Parc Mont Royal pour s’oxygéner et éliminer un peu. On a marché jusqu’à la croix au sommet via le Bélvédère pour avoir le point de vue sur la ville et on est redescendu de l’autre côté en passant par le lac aux castors – sans castors mais bondé de pique-niqueurs.
Lundi, session culture, on s’est fait deux musées. La Biosphère qui est sur l’île St Hélène d’abord. L’architecture est intéressante, toute en tubes de métal, comme une géode en suspension. On a un très joli point de vue sur la ville depuis le sommet. Par contre, le contenu est bof. Le musée est surtout fait pour les enfants.
L’après-midi, on est allé au centre archéologique Pointe-a-Calliere, voir une expo sur les origines de Montréal et une expo sur l’Océanie. On voulait au départ se faire le musée des Beaux Arts, ou celui d’Histoire, mais c’est fermé le lundi… arf arf.
Le soir, on a dîné dans un petit restaurant grec sur le « plateau », quartier français s’il en est.
On a eu de la chance : du beau temps tout le week-end. Ce matin, levés à 4h (yuk) pour prendre l’avion et j’étais à 9h tapantes au bureau… ca va être plus dur cette après-midi…
A part ça, le reste de la semaine précédente a été très new-yorkais, avec le pot de départ d’un grançais lundi soir, dans un lounge de l’East Village, mardi soir les French Tuesdays, soirée franco-américano-supdeco sur le toit d’un immeuble midtown (on n’aime pas mais on y retourne… allez comprendre) etc… 

Seule consolation pour cette semaine qui commence : elle va être courte d’ici vendredi 13 heures !

23 août 2004

Travailler aux USA


Ce matin, forte de mon ardeur au travail, j'envoie un email au planneur stratégique d'un programme sur lequel nous planchons, et la réponse tombe telle un couperet quelques instants plus tard 'Out of office auto-reply'. Mais quelle réponse… 'gone golfing be back August 12'. Certes, on sait bien que sur les terrains de golf se décident les plus gros contrats de la planète, mais, justement, je ne vois pas ce qu'un planneur peut décider de ce coté-la.

Ce qui ne fait que renforcer le constat que, non, en effet, on n'envisage pas exactement le travail de la même façon de ce coté-ci de l'Océan.

Personne en France ne m'avait jamais dit 'Je me sens un peu fatiguée ce matin. Je vais me faire une petite pause shopping, 20 minutes, et je reviens, ça me réveillera'.
Je ne soupçonnais pas non plus qu'on puisse venir avec son chien au bureau - et le poser sur ledit bureau, pour la journée. Note au cas ou vous voudriez essayer - c'est toujours plus facile à faire avec un caniche nain qu'avec un pitbull. Surtout si vos collègues ont souvent besoin de venir récupérer des dossiers sous le chien.
Ma boss ne m'aurait jamais demande de garder son caniche nain sur mon bureau pendant qu'elle partait faire une pause shopping 'pour se réveiller' - en précisant devant mon indécision que je n'avais pas à m'inquiéter parce qu'il avait déjà baptise ses dossiers à elle une heure auparavant… Nota : si elle avait eu un pitbull je pense que j'aurais refuse tout net.
Il était totalement inconcevable pour moi d'envisager de me faire faire une manucure pendant mes heures de bureau… encore moins au bureau, en conference call, haut parleur en marche, et la manucuriste qui s'active sans piper mot sur une main pendant que l'autre s'énerve à égrener les documents dont on cause dans le poste.
Personne n'aurait eu l'idée de dire 'Je ne serai pas au bureau aujourd'hui, je suis partie golfer'. On aurait prétexte une réunion à l'extérieur, un déjeuner d'affaires à la rigueur, on aurait avance de sacro-saintes raisons personnelles, mais jamais au grand jamais le fait d'aller promener ses clubs de golf. Et on n'aurait surtout pas fait une semi phrase façon 'partie golfer. De retour le 12 août'. On aurait enrobe et joliment brode.
La grande cheftaine de l'entreprise n'aurait pas de 'personal assistant' pour lui dire quelle couleur de foulard s'accorde le mieux avec l'iris de ses yeux ou aller chercher ses tailleurs chez le teinturier à 18h30 dans l'Upper East Side - alors que nos bureaux sont MidTown.
J'en passe, et de meilleures ! Je crois qu'on a tous nos petits chocs au bureau !

--------------------

Plus généralement, je n'étais pas passée experte ès 'politiquement correct' (PC)…
Quand je suis revenue chez X… cette année (je préfère garder l'anonymat de la société dans laquelle je travaille pour des raisons diverses et variées), une de mes collègues était plus la. Mais ou était-elle passée ? Réponse de la grande boss : elle s'est mariée, et elle voulait consacrer plus de temps à son couple. Réponse de tous les autres, qui ont assiste au départ : elle s'est fait virer.

Le politiquement correct excelle dans les tournures employées pour annoncer un licenciement. Société Y, années difficiles post krach de l'internet business : 'Mr. X will be winding up his duties on the Professional Services team at the end of this week. Unfortunately, the projects department does not have sufficient work to allow us to maintain our current staffing. During his two and a half years with Y, X has helped guide us through some challenging projects (…) His personal and professional responsiveness to these customers help us finalize the projects while maintaining good customer rapport. Thanks, X for a job well done!'. En d'autres termes 'on t'aime bien, mais on n'a pas le sou, tu coûtes cher, donc fais ton carton sans rechigner'. Fallait-il vraiment embellir autant pour dire cela ?

Et le mieux, le voici : e-mail annoncant le licenciement de Monsieur X travaillant pour la société Y : "As some of you know, Y has successfully impleted Tasks 1 thru 6 of the xyz project at XXX in the past few months. It has been a challenging and rewarding project for Y over the past few years. As the core project winds down, I want to thank the entire Y team for their help in making this important project a success. In particular, I want to thank X for his stewardship in his role as Project Manager. It is not easy to steer and manage such a complicated set of tasks - especially given the entrepreneurial nature of our company and the bureaucractic nature of the customer. Well done, X!
Substantively, the project has reached a significant end point, so X will be winding up his role with Y at the end of this month. He will spend the next few weeks tidying up loose ends. I know you'll join me in wishing X every success as he looks for another project opportunity where his contributions are bound to lead to another success story."
Pour moi, c'est un monument de politiquement correct. "Machin, tu es le plus intelligent, le meilleur, le plus fort, le plus beau. Bon, maintenant vas voir ailleurs si tu peux être utile, parce que là tu nous coûtes vraiment trop cher maintenant que le projet est terminé."

Le politiquement correct s'insinue dans tout, du matin au soir. L'employé PC arrive le matin avec un sourire ultra bright pour vous demander comment vous allez - sans en attendre la réponse d'ailleurs, tout est matière de protocole PC… Tout doit briller. Le bureau de l'employé PC est un miracle de propreté, cela va sans dire.

Quand l'employé PC a un souci parce que la réponse du client se fait bien trop attendre pour pouvoir ensuite respecter les délais impartis, employé PC ne perd pas son sang froid en hurlant que l'autre crétin ferait mieux de se bouger, et rapidement, sinon il va l'avoir dans l'os - et je suis polie. Non. L'employé PC e-maile ou téléphone, de la façon la plus délicate 'dear customer, please kindly note that in order to keep on with the delivery, we would need your final comments by the end of the day. Thank you for your understanding.' Et l'employé PC ajoutera même à la fin 'Have a good day'. Alors que nous, on espère, à la limite, que les méchants de l'autre cote du poste, vont se prendre les pieds dans le premier tapis qui vient, et s'y casser le nez, et ce sera bien fait parce que nous, entre temps, on risque de se faire taper sur les doigts… C'est à n'y rien comprendre.
Le PC a cela d'apaisant pour le Français qui démarre au quart de tour de lui apporter la tempérance qui lui fait défaut. Mais autant cette tempérance peut être salutaire à quelque Américain surstressé et overbooké, autant le Français rageur finit par bouillir devant tant de mièvrerie affichée.

Moralité ? La prochaine fois que je n'ai pas envie de sortir de mon lit pour aller braver le vaste monde, je dirai que j'ai un rendez-vous immanquable avec mon personal trainer, pour faire une manucure avant d'aller golfer. Mais je le dirai avec le sourire ultra bright : sinon ce n'est pas politiquement correct…

16 août 2004

Comment aller à Cape May

Temps de préparation : une semaine
Nombre de pages de forum : 13 pages

Ingrédients :
- deux niou-jerziens pourvus de voitures accueillantes
- jusqu'à cinq personnes par véhicule - à discrétion des conducteurs sus cités
- des téléphones portables en état de marche afin d'établir une communication multidirectionnelle entre les véhicules
- une carte routière détaillée du New Jersey
- maillots de bain, serviettes
- ballons et autres jouets
- l'attirail du pique-niqueur avisé
- du cheddar en spray
- de la crème de marshmallow
- des ombrelles pouvant à loisir se trouver usitées en parapluies.

Le tout étant évidemment possible grâce au soutien de la météo locale, weather.com et confrères.

1 . Mise en route et préparation
Laissez la grande prétresse d'ENY lancer l'idée d'une plage dans le New Jersey - notez que l'option « plage dans le New Jersey » n'avait pas véritablement été évoquée dans notre rubrique « Comment aller à la plage » - et mettez à décanter sur le site. Les personnages phare du petit village gaulois étant dans une phase de flemme passagère entre l'étude passionnée de deux dossiers au bureau, on arrive bien vite à un compromis qui satisfait tout le monde au bout d'une semaine, 13 pages de forum émaillées de « oui non mais euhhhh », « moi j'dis ça, j'dis rien, chuis d'la campagne », « c'est trop pinjuste » et autres expressions copyrightées, 45 coups de fil et du chantage à faire pâlir d'envie tout marchand de tapis qui se respecte.
Bref. On arrive donc, à défaut de se mettre exactement d'accord avec l'entrain de nos 20 printemps, à se contenter d'un départ aux aurores - 10 heures - à Pavonia-Newport, le samedi, et non pas le dimanche comme défini au départ, parce que Seigneur Météo a entre temps changé son fusil d'épaule.

2. L'éveil
Arrive en effet à 10 heures le gros de la troupe - non pas Obélix (qui, soit dit en passant, n'est pas gros, juste un petit peu enveloppé) mais la majorité des comparses. On se demande juste pendant une petite demi-heure si l'Arlésienne - alias La Traviata - pointera le bout de son nez… alors qu'on en est encore baba devant la ponctualité d'Ambre, réputée pour être toujours à l'heure, mais pas sur le même fuseau horaire que les autres. L'extase retombe vite car la sus citée Ambre part à la recherche du supermarché perdu avec quelques autres, histoire de se mettre sous la dent autre chose que du sable (le sable, c'est bien, mais pas top). Entre temps la Traviata débarque, lunettes de soleil et kit main libres, en grande conversation, sûrement avec son broker…

3. Le grand départ
Aussitôt dit, aussitôt fait, voilà les EntreNewYorkais enfin sur la route… A sensiblement 11h20, après des courses assez dignes pour nourrir tout un régiment - à la condition qu'il accepte de se sustenter de cheddar en spray, crème de marshmallow, jambon sous vide carré, diet coke, chips, crakers, pain crousti-mou et brie ben d'chez nous -, la décision délicate de savoir qui monte dans la voiture de qui et pourquoi, et un passage éclair à la pompe à essence. Il paraît que ça a un nom, cela s'appelle l'inertie d'un groupe.

4. La route.
a. la théorie.
Dixit Bison Futé. Partir de Pavonia-NewPort et se rendre à Cape May, environ 160 miles, évalués à deux heures de route. De la highway en majorité, bref un petite promenade de santé.

b. La pratique.
Bison Futé ? Ce mec là n'a décidément aucun entendement raisonnable.
Le vendredi soir et le samedi matin, tout le monde prend sa voiture pour se rendre dans le sud du New Jersey, direction Cape May via Atlantic City, ce qui est, comme par hasard, exactement le trajet que nous avions aussi décidé de faire.
Au bout de sensiblement quatre heures, on n'avait toujours pas atteint Atlantic City, on avait fait une halte technique pour se faire bouffer par les moustiques dès l'ouverture des portes, il flottait, et compte tenu des contraintes d'horaires pour la soirée de certains, on envisageait un plan B. On planta son doigt sur la carte pour évaluer les possibilités. Atlantic City, 15 miles - accessible en deux heures, probablement, Mystic Island, petite plage isolée, 15 miles, deux cent moustiques, probablement, Long Beach Island, 5 miles, moins d'embouteillages, bon compromis, probablement. On opta donc pour la dernière option, après les retrouvailles des deux voitures à un point de repère infaillible le long de la route : le Mac Do du carrefour. On avait l'air moins fringants qu'au départ, dans un des deux véhicules, les passagers ayant essuyé une bataille au cheddar en spray des plus décapantes, les autres se demandant encore s'ils n'auraient pas mieux fait de rester au fond de leur lit, vu la couleur du ciel et tout ce qu'ils avaient déjà supporté. Les voyages forment la jeunesse ? Non. Les voyages forgent le caractère.

5. La plage, enfin
Vers 16 heures, on arriva enfin sur la grève. Bonheur décalé d'une dizaine de français s'extrayant de leurs voitures pour s'élancer sur la plage, étaler leurs effets, jeter leurs vêtements, et courir vers l'Océan pour plonger dans les vagues. Histoire de re-situer la scène, avec, en option, les parapluies. On vous le répète, il pleuvait… Peu nous importait. Il ne nous en fut que plus facile d'entrer dans l'eau sans subir le classique choc dû à un différentiel de température des plus désobligeants (soleil brûlant vs. eau froide) et faire les fous dans les vagues, entre les vagues, sous les vagues puis dans le sable, avec un ballon de volley etc. … Le plus délicat était ensuite de se motiver pour sortir de l'eau, se rendant compte qu'il faisait plus frais hors de l'Océan que dedans, se sécher par habitude plus que par conviction sous la pluie et se battre pour manger un sandwich décent, sans kronch kronch de sable en invité surprise. Tout ça en expliquant aux mouettes que le pique nique était à nous et pas à elles, et à Ambre que, non, on a pas envie de goûter la crème de marshmallow. Au final, on a vaincu les mouettes, mais Ambre a été plus têtue que nous, se battant d'abord avec LaTulipe, pour une sombre histoire de brownie qu'on ne veut pas démêler, et on a fini par tous se retrouver avec une couche de crème chimique goût marshmallow, qui sur l'épaule, qui sur le genou, qui dans les cheveux, qui avec du sable.
La palme du lancer de projectile revient cependant à Arnulfe, qui, sur une génialissime idée d'un de ses neurones parti en vrille dans son cerveau, récupéra le morceau de brie bien coulant pour le lancer sur LaTulipe, estimant certainement que son décolleté avait besoin d'une couche de crème odorante supplémentaire.
On a toujours pas compris pourquoi, mais c'est à ce moment là qu'on s'est dit qu'il était temps de plier bagage avant que ça saigne. On n'est jamais trop prudent.

6. Le retour
Epuisés par tant d'aventures, forts de notre journée épique, on s'est repliés vers nos voitures. Un peu plus mouillés, un peu plus fatigués, un peu plus collants de sable, d'eau salée, de crème de marshmallow et de brie ben d'chez nous mais bien plus calmes. Il restait pourtant une bombe de cheddar…
Le retour nous a sensiblement pris deux heures, puisque dans ce sens de circulation et un samedi soir, personne n'avait d'envie pressante de retourner à Manhattan à part nous. Enfin, deux heures, après décision ultra rapide de savoir qui allait monter dans la voiture de qui et pourquoi… Temps estimé de la décision ultra rapide : euhhhh… 1/4 d'heure, pourquoi ?

7. Epilogue
Il paraît que c'est très joli, Cape May, avec ses maisons victoriennes et sa plage, sous le soleil… Moi je ne sais toujours pas, mais en définitive, on aura passé une bonne journée sans prendre aucun coup de soleil, avec beaucoup de fou rires, des photos qui vont s'échanger à prix d'or sur Internet… et certes quelques pétages de plombs.
Quelle épopée par Toutatis ! Cette expédition avait un petit air de zizanie sur la fin… Reste désormais à déterminer dans la smala, qui dissimule sous ses traits angéliques une âme de Tullius Détritus… A moins qu'ils ne soient plusieurs… Une conspiration !!! Damned, nous sommes faits !

10 août 2004

Cinéma, pique-nique et cinéma

Tout vient à point à qui sait attendre, certes, mais tout vient surtout à point à qui sait attendre longtemps. Bref. La niouzlettre tant esperée la voici – bien que vu le taux de retour je commence sincèrement à avoir l’impression d’écrire dans le vide.
Où en était-on ? A force, je ne sais plus.
Le panorama Wathne a un peu changé depuis hier. Je peux enfin me décharger de mes fonctions de chef parachuté, l’entreprise a recruté une remplaçante pour ma boss. Qui travaillait chez un concurrent, pour Estée Lauder aussi, elle connaît donc le métier et le client, ce qui lui permet de se couler dans le poste. Ironie du sort, c’est moi, la petite stagiaire qui part dans trois semaines, qui suit chargée de la former pour tout ce qui a trait à Wathne : tableaux de bord, suivis de production interne, présentation au staff de Hong Kong etc. …
A part ça, en vrac, car mon cerveau est fatigué d’avoir trop pensé ces derniers temps – ça vous tue une Dolce, des responsabilités pareilles, mine de rien – j’ai fait pas mal de choses ces deux dernières semaines. Entre autres, je suis allée à Bryant Park voir des projections cinématographiques en plein air.
Il y a deux semaines, on était allé voir Love Story.
Hier soir, changement de registre, on a vu un vieux film de 1939, Mr. Smith goes to Washington, qui dépeignait fort bien le panier de crabes qu’est le monde de la polique, et la façon dont les médias font la pluie et le beau temps sur les élections. C’était intéressant et très actuel. C’est avec ce genre de films qu’on espère faire changer le panorama polique aux Etats-Unis (A bas Bush !).
Dimanche, on s’est fait un pique nique de la mort qui tue (sisi), à Central Park – c’est ici  pour ceux qui auront le courage d’aller me lire un peu plus ! Central Park est notre point de chute du week-end. Entre autres, on s’est aussi fait un goûter (oui, un goûter, vous avez bien lu !) avec tartines, pain frais, beurre, confirues et pâte à tartiner aux noisettes (mais de la faite maison, à côté de ça, le Nutella, c’est vraiment pas bon… c’est pour dire). Et aussi un brunch chez Gascogne, un restaurant français de Chelsea qui a une carte à faire saliver et un joli jardinet pour en profiter. Attention, jardin non climatisé : on meurt de chaud assez rapidement.
Pour faire passer tout ça, il a bien fallu faire un chouia de sport aussi… (du quoi ?). Avec un copain, on est donc allé nager à Chelsea Piers le week-end, avant de se (re)poser sur la terasse du complexe, une jetée tout en bois sur laquelle on s’installe nonchalemment sur son transat en regardant la ville s’agiter, et les bateaux passer sur l’Hudson River en laissant filer l’après-midi avec un roman, ou juste en mettant son cerveau sur off, et c’est appréciable.
Je suis allée au ciné voir The Bourne Supremacy, la suite de The Bourne Identity, lqui est bien mais pas fantasmagorique. Ca fait un bon film d’aventures (le nouveau James Bond ?), mais pour ceux comme moi qui ont lu et aimé les romans de Ludlum dont est tiré le film, c’est décevant car le réalisateur a pris bien trop de libertés. Entre autres : dans le livre, Jason Bourne a plutôt le profil du baroudeur allant sur ses 40 ans, alors Matt Damon dans le rôle, bof…
Je suis aussi allée voir The Village, le dernier de Night Shalamalayablabla (euh….), le réalisateur de 6ème Sens, Incassable et tout ça machin. L’idée est bien, la réalisation traîne en longueur, la fin est finalement prévisible. Le suspenses n’est pas aussi bien entretenu que pour 6ème Sens, mais ça se laisse regarder.
A part ça, je compte aller faire un petit tour à Montréal le week-end du 20 au 22 août.
MERCI à tous ceux qui ont décroché leur plume et dont la prose orne maintenant mes murs au Webster : Magali, Céline, Florence et Gaëlle, entre autres.

09 août 2004

Petits français perdus à Central Park

Point ne suffit de s'amuser à jouer les demi-felins bottés, il faut de surcroît assumer et gentiment poster l'article tant attendu du lundi de Dolce Vita. Qui s'est fait attendre, certes, mais n'ai-je pas jusqu'a minuit dernier carat, cachet de la poste faisant foi ?

Cette semaine, pas de chronique. La faute à EntreNewYork -parce qu'il faut bien que ce soit la faute de quelqu'un d'autre. Hier j'ai ete trainée, presque de force (arfarf), à un pique-nique. Attention, pas un pique-nique avec n'importe qui. Nonon. La crème de la crème. Un pique-nique EntreNewYorkais. Enfin surtout Entre Francais. Mais bon. Bref. C'etait tellement bien que je suis revenue chez moi avec un gateau à peine entamé et une grosse bosse sur la tête. (Cherchez l'erreur). Et contente avec ca….


Tout commence lorsque de petits francais tout frétillants de sentir le weekend approcher lancent cette joyeuse idée : Et si on se faisait un pique-nique dimanche a Central Park ? Cinq pages de forum plus loin, en une apres-midi - un vendredi, était-il besoin de le préciser, vu l'ardeur des membres à répondre prestemment à toute suggestion culinaire, et l'on se décide pour se retrouver sur le coup de 13 heures à Strawberry Field, Central Park. Evidemment tout ceci, c'est sur le papier. En pratique les plus matinaux arrivent vers 13h30 et les autres suivent. L'heure d'arrivée peut varier de quelques heures selon le fuseau horaire sur lequel les convives ont reglé leurs neurones du weekend.

Grande hantise du francais. Que le pique nique états-unien ressemble à tout sauf aux bacchanales de leurs rêves… Heureusement le franchouille est aussi rusé que l'américain est borné en matière de loi - il nous a suffi de quelques briques de 'jus d'orange' et autres subterfuges pour égayer le repas. El Pedro, chef patissier du jour - ses croissants maison sont exquis - nous avait pourtant bien rassurés. En effet, si l'on se fait prendre la main dans le sac (à vin), on risque une amende. Mais si l'on presente à l'officier de police son ID, alors on est *juste* convoqué au Tribunal. C'est vrai que c'est rassurant, là, tout de suite… Tiens je vais reprendre un peu de jus d'orange, ca me calmera… (Le jus d'orange, oui, l'alcool, non).

Le plaisir de ces piques-nique improvisés, c'est que tout le monde y va de sa spécialité : qui la salade de pates, qui le pain, qui la salade de tomates au thon et à l'oeuf, qui les cannelés de sa Gironde natale, qui le gateau au chocolat de l'Upper East Side, qui la tourte à la viande, qui le bon fromage de chez nous qui coule et qui sent bien fort, qui le jus d'orange frelaté (Pardon. Le jus d'orange, oui, l'alcool, non).

Arnulfe s'amusait, avec Sam, FB38 et d'autres, a c-est-moi-qui-lance-le-freesbee-le-plus-bas-possible-au-dessus-de-la-tete-des-gens jusqu'a ce que votre devouée corespondante l'arrête net d'un coup de front (aie). Il faut avouer que nos francais n'avaient pas encore la classe et la maitrise californienne du lancer de freesbee. SamMan a tout simplement réussi à dévisser la tete de l'auteur (moi) et raser de frais Emissaire, entre autres. Pour ensuite desherber tout le perimètre de pelouse sur lequel il reposait dans le but totalement vain de jouer au jeu du camouflage et de recouvrir paréos, nappes et serviettes d'une couche d'herbe et de terre dépassant l'entendement. LaTulipe et moi nous sommes donc justement vengées en lui procurant un massage thailandais improvisé… C'est a dire en lui galopant sur le dos. Il parait que cela fait mal. Nous, on n'a rien senti. C'est qu'il doit etre douillet alors.

Sensiblement à ce moment là - ou bien au moment ou les Hommes de l'equipe se sont sentis pousser des ailes de footballeur en voyant laissé à l'abandon le petit ballon d'un enfant - un attroupement d'autochtones s'est formé a proximité de nous, de l'autre cote de la barrière. Ils regardaient ces grands fous de francais se marrer comme des baleines et s'en mettre plein la panse, voire derrière la cravate, hop, ca fait du bien par ou ca passe. Un instant, on se serait cru dans un zoo, on avait presque l'impression de pouvoir les entendre dire 'Venez voir, des francais !'. Le nez colle aux palissades, l'oeil demesurement ouvert, la bouche béante. Des francais en captivité !! Un régiment de francais qui rale, téléphone, fume ouvertement, joue aux cartes, se délecte de la fresh fine food, soupire d'aise pour un massage improvisé, ou triche à s'en fendre le coeur en jouant au Tarot. Tout ce a quoi ils n'ont certainement jamais eu la chance de goûter, du haut de leurs bols de pop-corn, les pieds bien calés sur la table basse du salon, en train de regarder un 'reality show' sur le Dating… Du concentré de vie étranger, pouah !

Mais on s'en moque, on aime ca. Et d'ailleurs, on remettra le couvert sous peu… Pourquoi pas à la plage, une fin de semaine prochaine, s'organiser une nouvelle expédition histoire de se mettre un peu de croquant (de sable) sous la dent. Ce n'en serait que pour mieux raler, évidemment.

02 août 2004

La plage à New York

Pas de Lundis de Dolce Vita la semaine dernière et vous m'en voyez fort navrée, mais parfois les méchants vilains patrons tombent sur les pauvres petites stagiaires en les faisant crouler sous le travail et ils aiment ca (les patrons, par les pauvres petites stagiaires comme moi). Ceci étant dit, je me ferais bien une plage ce week-end…

Ahhh l'été...Le soleil, le sable, la mer, les enfants qui courrent sur votre serviette et font de vous la plus belle croquette de sable de la création…

Contrairement à bien des villes tentaculaires, New York possède le grand avantage d'être à distance raisonnable de bancs de sable fin. Le franchouille enfermé trop longtemps dans son donjon bancaire - quelque part entre le 12ème et le 42ème étage d'un immeuble sur la 6ème avenue - a le teint blafard de l'endive en hiver. Le voilà donc qui se réjouit à l'idée de quitter sa prison de verre et de respirer l'air iodé pour quelques heures. Il s'imagine déjà LA plage à l'américaine, vieilles réminiscences de feuilletons télévisés où une blonde pourvue d'un maillot de bain rouge étriqué scrutait l'océan pour aller sauver de la noyade de belles âmes qui n'attendaient que ca. Et si jamais la Gentille Sauveteuse n'était pas à la hauteur de ses attentes, il pourrait alors toujours se lover sur sa serviette, se laisser caresser par la brise et régresser en toute sérénité au QI de la crevette en s'écoutant grésiller.

Parlons raisonnablement maintenant. Si vous décidez d'aller à la plage à Long Island un dimanche, vous allez vite vous rendre compte que votre capacité à donner envie aux autres de vous suivre dépasse votre entendement. C'est comme si tout Manhattan comptait s'y donner rendez-vous. Il est donc très déconseillé de tenter quelque incursion que ce soit en voiture depuis Manhattan (ou plus loin) vers Long Island. C'est tout simplement du suicide. On est serein la première demi-heure, puis, progressivement, l'adrénalise s'installant, on se met à bouillir au milieu des embouteillages. On émerge passablement énervé, on passe quelques heures à la plage en regardant sa montre et en imaginant le bonheur du retour dans de conditions similaires. Qu'on se le tienne pour dit, on sous estime toujours l'ampleur des dégâts. Le retour est souvent, en fin de journée, bien pire que l'aller.

On opte donc pour le train. Moins éprouvant pour notre santé mentale. On embarque à Penn Station, via la Long Island Rail Road - à condition de décider d'aller à la plage à Long Island, biensur. Dans le cas contraire, on peut toujours prendre le métro pour aller à Coney Island ou bien tester - dans un grand instant de folie - la grève du New Jersey.
On se perd un peu dans Penn Station, attention on ne peut payer qu'en cash aux guichets, il faut sinon aller se battre avec les distributeurs automatiques. Moi, je dis ca juste au cas ou vous décideriez d'aller faire la queue, de vous en rendre compte en arrivant au comptoir, réalisant alors que vous n'avez pas de cash et que le train que vous vouliez prendre vient juste de partir - le prochain étant dans une heure, cela va sans dire.
Note hautement utile : on peut aussi embarquer sa planche de surf dans le train. C'est encombrant, tous les autres passagers manquent de s'y casser les dents, mais c'est admis. Si jamais l'envie vous prenait d'aller taquiner la vague en faisant un pied de nez au Gentils Sauveteurs. Cela dit, je pense que dans ce cas, il vous serait totalement inutile d'acheter un aller-retour en train. Le fait de grimacer gaiement aux Gentils Sauveteurs vous permettrait sans nul doute d'accéder au poste de police le plus proche, ne passez pas par la case départ, ne touchez pas 20 000 francs. La dure loi de l'Ouest.
Après avoir eu l'idée folle de tenter l'approche de la plage en voiture, je me suis donc rabbatue sur le train. Le train est comme le métro aux USA. Ne partez pas en short et tongues avec uniquement votre insouciance sur le dos, elle congèlerait. La petite laine de Mamie, par exemple, est une idée judicieuse. On prend le temps de congeler plus ou moins, donc, en la petite heure que met ce train de banlieue a atteindre l'idyllique plage tant attendue. Si par mégarde vous vous étiez endormi - le froid aidant, les neurones fonctionnent au ralenti - vous ne louperez pas l'arrêt plage. Vous serez réveillé au doux clong de la planche de surf de votre voisin dans votre tête qui dépassait un tout petit peu trop. Hagard, on descend alors, pour se retrouver emporté par une mini-marée humaine qui se rue vers l'océan. L'arrivée sur la grève a des allures de débarquement. Tous ces gens munis de tables, chaises, parasols, radios, enfants… tout ce petit monde qui se précipite, pantelant, ruisselant, vers le sable a quelque chose de pathétiquement grotesque. Surtout qu'une fois installé, le but est de surtout, surtout, ne plus bouger - halte là aux multiples marques de maillots de bain.

On a fini, nous aussi, sur le sable. Brulant. Brulant mais on aime ca, car cela nous rappelle combien c'est agréable de s'extraire de la forêt de buildings de New York et de sentir l'Océan. On inspire. On sent l'Océan, certes, mais teinté de crèmes solaires mutilples et variées, de nourritures plus ou moins saines (quoique la tendance nationale tende au gras odorant). Si vous aviez oublié votre pique-nique, vous êtes au Pays de Cocagne. Une plage américaine ne se concoit pas sans infrastructures fast-foodesques. On est loin de la baraque à frites ou la paillotte à Francis, mais l'odeur avoisinante est similaire. Finalement on n'est plus sur d'avoir si faim.

On se décide donc pour faire 'local' et s'installer sur le sable. Dormir, oui, nous tente fort. Si par ailleurs on pouvait bronzer par la même occasion, alors quelle aubaine ! N'oubiez pas, chers lecteurs, que New York est à la latitude de Naples, ce qui implique de se crème-solariser si on ne veut pas virer d'emblée couleur écrevisse et demain peler comme un lézard. Il s'agit stratégiquement de dorer toutes les faces, quitte à s'octroyer un temps de trempage plus ou moins long (à discrétion) dans la grande bleue. Sans s'éloigner trop des Gentils Sauveteurs. En effet, le GS à l'instar du GO est l'amabilité incarnée tant que vous barbotez dans son champ de vision. Qui est très réduit. Au cas où, plusieurs plages ont mis en place un système de bouées encadrant un espace d'eau qu'il est strictement interdit de franchir latéralement - sous peine de se faire réprimander à coup de sifflet rageur. Au delà de ces lignes de baignade, le GS sort les crocs. Mais ne viendra pas vous sauver en cas de souci. Vous n'aviez qu'à nager dans le périmètre assigné.

Vous pourrez ensuite à loisir vous allonger sur votre serviette, et vous laisser sécher au son polyphonique de toutes les radios de vos voisins - c'est un fait, personne ne s'accorde à écouter la même chose, par contre tout le monde veut l'écouter plus fort que ses voisins. Avant de consacrer la réputation râleuse des francais, attendez un peu que l'un des momes de la tribu installée à portée de crème solaire de votre paréo vous recouvre de sable, en courant (et hurlant) pour aller jouer un peu plus loin. Cela vous donnera alors l'opportunité de
1. huler vous aussi
2. rendre à leur propriétaire les deux mètres cubes de sable - la tribu sus-citée (et bientot en voie d'extinction)
3. mettre tout de suite à exécution le processus d'extermination de la tribu sus-citee qui vous entoure en jetant tout ce beau monde dans l'eau
4. en profiter pour les jeter hors du périmètre de sécurité
5. voir accourir tous les Gentils Sauveteurs de la plage, juste pour vous - non ils n'iront pas sauver les récalcitrants qui, malgré les mises en garde ont décidé d'aller baigner leur radio, mome… en decà des bouées
6. d'expliquer aux Gentils Sauveteurs que pour le maintien de la sérénité de cette plage, c'était une action nécessaire, dure, mais nécessaire
7. de voir arriver une chouette voiture de NYPD rien que pour vous
8. d'eviter de payer le fare retour du train
9. de ne pas être coincé dans les embouteillages
10. de vous passer l'envie d'aller à la plage le week-end prochain et de vous porter volontaire pour des heures sup le weekend… Histoire d'être un peu tranquille finalement, et tant pis si vous gagnez le concours de blanchitude de teint… C’est très joli, une endive, non ?

30 juillet 2004

Times Square, grandeurs et décadences


Si New York est la ville de la démesure, Times Square en est l'apogée. Le petit touriste francais qui y arrive y porte son regard, et, selon les hospices météorologiques, plisse les yeux pour regarder le haut du 4th Times Square, de la Tour Earnst & Young et de ses consoeurs ou bien se demande où se trouve la cime de ces monstres d'acier dont la pointe semble se confondre dans les nuages.

Times Square n'a pas toujours été la vitrine pimpante aux nuées de néons qu'elle est aujourd'hui.
D'abord, je tiens à attirer votre attention sur le fait que… Times Square n'a rien d'un carré contrairement à ce que son nom indique. Ce ne sont jamais qu'une dizaine de blocs où Broadway et la 7ème avenue se rejoignent. Jusqu'au début du XXème siècle, l'endroit était dénommé Long Acre Square, et n'était qu'une plaque tournante pour le commerce - plus ou moins légal : vendeurs de chevaux, maisons closes et hôtels de passe étaient monnaie courante.
En 1903, le quotidien New York Times y fait construire son siège, et parvient à convaincre la ville de renommer Long Acre Square en Times Square, le 8 avril 1904. En octobre de la même année, la station de métro de Times Square voit le jour (ce qui explique peut-être la vétusté de ses couloirs ?). Le 31 décembre 1904, on célèbre doublemement : l'avènement du building du Times, et la Saint Sylvestre. Un siècle plus tard, on y fête toujours la Nouvelle Année…

Le reste est, à l'instar de la ville, l'histoire de l'Amérique moderne. C'est sur ce petit périmètre qu'on été inventées, réinventées, testées, exploitées et offertes de multiples facettes de la 'culture' américaine.
Les Américains venaient à Times Square pour s'amuser. Après les maisons closes -indéniablement les premiers lieux attractifs du quartier - sont apparus les théâtres. Les pionniers dès la fin du XIXème siècle, puis le flot a suivi. En 1928, on dénombrait la production de 264 shows dans 76 théâtres sur Times Square - quelle densité au mètre carré ! Loin des traditionnels opéras, ces théâtres proposaient déjà moult vaudevilles, musicalls, jazz et films.

Les spectacles les plus populaires de Times Square ont toujours été gratuits : ce sont les enseignes qui ont fomenté la réputation de Broadway en tant que 'Great White Way'. Les panneaux et enseignes y recouvraient la majeure partie des buildings dès le début du XXème siècle. A l'époque, ils étaient similaires aux autres panneaux publicitaires qui bourgeonnaient sur les murs de la ville. Puis, peu à peu, Times Square s'est démarqué, pour devenir un immense laboratoire in vivo qui permettait de tester de nouveaux modes de communication et de publicité dans une métropole de grande envergure. Le développement d'une économie de marché de masse doit, aux Etats-Unis, beaucoup à l'attrait des séduisantes enseignes de Times Square.

Times Sqaure n'était pas seulement l'endroit où l'on publiait le quotidien le plus important du pays, avec ses immenses rotatives au grondement souterrain, ni le nouveau bandeau entourant le Times Building, déroulant instantanément les nouvelles du monde. Non. Times Square était le berceau de ces informations. Elles naissaient ici, sous la plume de journalistes tels que Walter Winchell ou Damon Runyon, qui créerent un standard américain avec le style reportage, les chroniques people et l'utilisation de l'argot.

La grande force humaine qui fit avancer Times Square pendant plus d'un siècle a été… le désir charnel, le sexe. Times Square a littéralement vendu du sexe pendant plus d'un siècle, de par la prostitution et ses théâtres roses, définissant ainsi une bonne partie de l'ère postérieure à la seconde guerre mondiale. Mais c'etait également bien plus subtil… Times Square était un symbole, un lieu où les barrières morales pouvaient être repoussées, réduites à néant, et le désir s'exprimait alors. Ce n'est pas un hasard si c'est ici que les femmes pouvaient remettre en question les règles du 'dating', et les homosexuels trouver bien plus de liberté que n'importe où ailleurs dans la ville…

Times Square s'est épanoui durant le premier tiers du XXème siècle, pour ensuite décliner doucement après la seconde guerre mondiale, et s'effacer devant le monde de la télévision, des banlieurs et de la ségrégation raciale. L'endroit est, malheureusement, également connu pour cet aspect peu appréciable de la culture américaine moderne : le phénomène de l'abandon du centre ville par les classes aisées, et du déclin de MidTown. Au coeur de Manhattan, des blocs entiers de buildings abandonnées, repère des dealers de drogue et du tapinage. Ils furent, pour un temps, les blocs les plus dangereux de la ville, image de la décadence de New York.

Times Square vit aujourd'hui son second souffle. De grandes entreprises comme MTV ou Condé Nast ont réinvesti les lieux. La foule qui l'emplissait alors est celle que vous voyez maintenant. Hordes de touristes, promeneurs aux yeux perdus dans l'azur, aficionados de comedies et shows. Times Square est le rappel perpétuel que New York est et a toujours été une ville de plaisirs… Pas seulement lors de la Saint Sylvestre. Chaque jour de l'année.


_____
www.timessquarebid.org