Pour changer cette semaine, les lundis de Dolce si renommés d'EntreNewYork portent un coup de gueule au groupuscule franchouillard de Manhattan. Où l'on disserte sur l'idée que le Français se fait de l'esprit communautaire.
On est toujours frappé, en arrivant à New York, par l'ampleur de la diaspora asiatique. On a tous vu fleurir au coin d'une rue une de ces petites échoppes tenues par un couple de chinois, voix nazillarde, sourire et petit hochement de tête quand vous leur leur demandez de vous redonner un peu de ce fantastique nougat / je vais prendre deux cartes postales de plus / non plutôt une French Manucure aujourd'hui.
On est frappé, oui, par ce communautarisme exacerbé que nous, Français, avons tant de mal à appliquer. Exploration.
On le sait, les délis sont presque toujours tenus par les chinois ou les hindous. Le rationnel haussera les épaules en avançant : normal, vu que ce sont eux les plus nombreux de la planète, en pourcentage, on les retrouve plus nombreux que les autres communautés aux Etats-Unis aussi, et à fortiori à New York. Le rêveur s'extasiera devant cette force communautaire, s'il est français il pourrait bien se mettre à râler.
L'explication, sil elle peut paraître simpliste, est néanmoins rationnelle : tout est question de proportion. La diaspora est fonction du nombre de ressortissants du pays, beaucoup de chinois Indiens = encore un déli Tchin Tao qui ouvre au coin de ma rue. C'est ainsi.
Le Français, lui, n'y parvient pas. Pourtant, il est grégaire, aussi. Parfois même, il a un élan de générosité, l'altruisme débordant
Certes, mais le Français, surtout, est égoïste et ne peut souvent pas se dépatouiller de ses petits travers de franchouillard.
On se croirait dans le petit village d'Astérix. Tous les Etats-Unis sont occupés. Tous ? Non ! Un petit groupe d'irréductibles gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur, défendant ripaille et chasse-spleen millésimé.
Dans ce petit village comme toujours, il y a Obélix au coeur tendre qui promène ses menhirs, il y a Astérix le brave, la femme d'Abraracourcix qui est presque chef, celle d'Agecanonix qui fait baver tout le monde, il y a le poisson pas frais qui déclenche moult batailles et son propriétaire grande gueule, il y a le barde un peu trop plein d'entrain, mais somme toute, il y a de la vie, et cette volonté toujours d'être uni contre l'impitoyable ennemi.
Et puis un jour, s'infiltrent d'autres peu scrupuleux, s'insinuent dans la vie des gaulois, et se mêlent, un peu trop au lit pour être honnêtes, et tout à coup cette communauté s'épie, compte les points et les dérapages, les commérages vont bon train, et sous prétexte de poisson pas frais, tout le monde finit par se taper dessus et par rentrer bouder chez soi, les volets bien fermés en espérant que l'esclandre retombera comme un soufflet, et en pensant que les autres, eux, finiront bien par sortir le bout de leur nez en premier.
Alors ensuite, on se demande où est passé l'esprit communautaire ? Mes amis, osons le mot haut et fort : le Français n'en est pas capable. Il détruit un frêle équilibre et se demande ensuite pourquoi les Chinois feront toujours mieux en matière de communautarisme.
Regardez ce site. EntreNewYork. Parfait, fantastique sur le papier, un élan de générosité, oui, vraiment. Mais regardez de plus près. Regardez toute cette hargne qui guette entre les lignes, articles ou forums, des posts plein de fiels et de rancoeur, justifiée ou non.
Sortez de votre ordinateur et voyez les dans la ville. Plus le temps passe et plus les liens se délitent. Certaines trouveront utile de tenter des poses lascives pour mieux lier connaissance. A d'autres. A cause de cela, ou peut-être n'en est ce que la conséquence, on assiste à une recrudescence des inscriptions aux cours de natation et de macramé. Intéressant, non ?
Pourquoi ? Mais parce que le Français est égoïste ! Avant de penser aux conséquence de ses actes, il agit, fort de lui, fier de l'être, Français. Plein de bonne volonté tant que cela ne tâche pas son pantalon neuf, plein de bonne volonté tant qu'il ne doit pas mettre les mains à la pâte. Plein de bonne volonté et visiblement altruiste, mais à la moindre incartade, le voilà qui préfère faire le mort plutôt que de venir s'expliquer. C'est Obelix qui boude derrière ses menhirs, menton bien haut et bras croisés. Ou bien qui vient de faire tomber le nez du Sphinx, et se sachant morveux, tente une sortie sur la pointe des pieds. Le barde s'est éclipsé. Le poisson, relégué aux calendes grecques, peut pourrir tranquillement sur l'étal que personne n'ose regarder.
Seul, tous les matins, le coq annonce fièrement le lever du soleil en espérant des jours plus cléments. Mais n'oubliez pas que le coq est le seul animal qui continue à chanter... les pattes dans le fumier.
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Article publié sur www.entrenewyork.com le 2 mai 2005.