30 août 2004

Le dilemme de l'expatrié

L''expatrie est comme cet oiseau de Beaudelaire, l'Albatros. En exil quelque part, heureux peut-etre, incomplet souvent.

L''expatrie fait en permanence face a ce cruel paradoxe : partir et vouloir rester, eternel dilemme. Envie d'ailleurs et peur de louper quelque chose en quittant cet ici rassurant. Un parent qui decline, une naissance a venir, des amis tout simplement. Tout ce petit monde qui se presse le sourire aux levres et le coeur gros, quand vous partez, a grand coup de bon voyage, bonne chance, ecris nous !

A la bonne heure, boheme nous voila, partis bien accorches, deracines, heureux pour un temps, malheureux comme les pierres et en extase devant notre nouvelle terre. Les amis avec le temps s'effacent faute de nouvelles, on n'a pas voulu prendre le temps de les appeler, de leur rappeler qu'on les aimait toujours, qu'on etait la. Alors ils ont oublie, continue a construire leur vie, la votre entre parentheses. Quand on rentre tout a change, ils n'ont pas attendu, ne vous attendent pas forcement. Non, tout le monde ne va pas se jeter a vos pieds parce que vous rentrez pour trois jours. L'anniversaire du petit dernier, le week-end chez Mamie prevu depuis des lustres, tu comprends, il aurait fallu que tu nous dises plus tot, attends je te rappelle, je dois moucher le chat.

Oui, mais moi, plus tot je ne sais pas et je ne peux pas. Je vis dans une ville tourbillon, sur un mode instantane ou je lance mes soirees a la derniere minute comme je rentre en Europe en coup de vent. Autour de moi on agit de la sorte, la norme pour moi est de ne pas prevoir si loin. La norme pour moi est de croire qu'on m'attend comme le messie lorsque je pose un doigt de pied sur le vieux continent. On ne se comprend plus. On a vecu tant d'histoires, vu tant de choses differentes... On evolue dans cette metropole grouillante qui fait rever tant d'esprits, nous. On voudrait parler de ce qu'on ressent, on nous demande de causer architecture. La fissure nait de l'incomprehension, de ce froncement de sourcil annonciateur de faille, de cet instant ou l'esprit se demande pourquoi l'autre qui auparavant aurait dit oui, fait maintenant la moue et n'en veut plus rien savoir, veut juste boire nos paroles et s'extasier sur LA ville.

Impression dechirante de toujours laisser derriere soi une partie de sa vie, sans savoir bien pourquoi. Saigner mais partir, et dans nos yeux rives vers l'ailleurs, les larmes de memoire brouillent l'image de notre devenir que nous voulions net et qui ne l'est pas, qui ne l'est plus.
On se retrouve sur un autre continent, une autre terre promise, perdu, seul au milieu de la foule avec cette envie irrepressible de crier sa joie et son desaroi. On apprehende, on est heureux, on est triste a la fois, detonnant melange qui au moindre souci fait exploser le contenu delicat, rires ou fontaine, c'est selon.

Ah la boheme ! Parlons en. Une valise dans chaque main et nos yeux pour pleurer. On voudrait l'aventure sans le dechirement continuel des departs sur fond d'annonces de compagnies aeriennes. Si Kleenex devait remercier une communaute, ce serait celle des expatries.

De cette boheme repetitive, de ces departs diluviens, de ces valises trop portees nait un sentiment etrange, qui, parfois, genere un instant de malaise autour de nous. A trop dire au revoir, on a parfois perdu le gout de chercher a connaitre, a connaitre veritablement, les ames qu'on cotoie. Parce qu'on sait que dans un mois, six mois, un an, on ne les reverra plus jamais. Alors quoi bon ?

L'expatrie perd ce cadre rassurant du pays qu'il connait, de ses amis toujours la, du supermarche au coin de la rue, Madame Michu qui sort Mirza a 8h12, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. L'expatrie perd l'habitude. Cette habitude, douillette, rassurante. Pas etonnant qu'a New York ou Singapour il se raccroche au premier francais venu. Il a besoin malgre tout de croire en sa vie ici, quelle que soit la duree de son sejour.

Et c'est la son paradoxe. Il se veut aime ici ou la, entoure et cajole, cherche a connaitre autour de lui, mais diantre, pas trop... Sinon il s'attacherait, un peu, beaucoup. Alors il sort, fait croire qu'il est heureux comme ca, qu'a New York, il est le roi du monde, d'analyste financier il s'investit et s'invente une couverture de trader, et se perd dans l'oubli des nuits interlopes de Manhattan. De peur, peut etre, qu'il ne se rappelle ce qu'il a laisse, la bas, en France ou ailleurs... Un amour, sa famille, ses souvenirs. Vague a l'ame qu'il repousse a coup de Chasse-Spleen vendanges tardives. Melancolie qui reprend en soupir majeur au cri strident du reveil matin.

Il s'habitue pourtant, oui, car on s'habitue a cette nouveaute offerte, on y recree ainsi un microcosme cocon pour faire le paon en soiree et flaner chic. N'est pas a New York qui veut.
Un jour pourtant, on reprend la route, on tente d'enfermer a jamais dans une malle des souvenirs qui n'y tiennent pas, on partage, on donne, on jette, on soupire, on pleure, on tasse, on se tait, c'est fait, c'est ferme.

On passe sa vie mal assis sur le fauteuil decharne d'un aeroport a regarder les touristes qui font voyager leurs appareils photos. On a le coeur gros comme la ville au milieu de cette joyeuse indifference qui defile autour de nous.

Partir, c'est mourir un peu. On se veut fort, mais notre carapace craquelle vite aussi...

24 août 2004

Montréal, en avion et à pieds


Dernières nouvelles du front new-yorkais.
Enfin, New-Yorkais, pas tant que ça ces derniers temps, étant donné que j’étais à Montréal le week-end dernier. Avec un jour de congé en plus, ce lundi, cela fait des petites vacances tout à fait acceptables.
Samedi, on est arrivé à vers midi à l’aéroport (oui, les stars prennent l’avion, c’est bien connu), le temps de poser les bagages à l’hôtel, et de partir se balader, ça nous a laissé toute l’après-midi. On a marché dans les quartiers jusqu’au vieux port via Chinatown et la vieille ville, la place d’Armes, etc. … Ensuite, on a retraversé la ville dans l’autre sens via le quartier des affaires (désert, un samedi après-midi, certes), et un petit bout des galeries de la « ville souterraine », et jusqu’à l’Université Mag Guill.
Samedi soir, fatigués, on est allé dîné dans un petit restaurant près de notre hôtel avant de s’écrouler.
Dimanche, levé vers 10 heures, on est allé nager comme des braves sportifs à la piscine de l’hôtel, pour nous donner bonne conscience et aller se faire un brunch dans la foulée ! Ne connaissant pas assez la ville, on a demandé conseil au concierge qui nous a aignuillé vers le Lutécia, restaurant de l’Hôtel de la Montagne. Pouru $35 (canadiens), c’était gargantuesque. Buffet d’entrées pour commencer - carpaccio de saumon et St Jacques, bagels divers et variés… - après cela, on a eu un peu plus de mal, car le brunch enchaînait sur trois plats. Un œuf poché aux épinards (jusque là, ça allait), puis un pavé de saumon grillé (après ça je n’avais plus très faim) et une tranche de rôti en sauce avec petits légumes et gratin daufinois (là, j’ai carrément calé)…. Sachant qu’après, il y avait un buffet de fromages et desserts à tomber par terre – entre autres de la mousse au chocolat blanc et des réductions sucrées avec des fruits : à se damner.
Ensuite il a fallu se lever de table… dur !
On est allé l’après-midi au Parc Mont Royal pour s’oxygéner et éliminer un peu. On a marché jusqu’à la croix au sommet via le Bélvédère pour avoir le point de vue sur la ville et on est redescendu de l’autre côté en passant par le lac aux castors – sans castors mais bondé de pique-niqueurs.
Lundi, session culture, on s’est fait deux musées. La Biosphère qui est sur l’île St Hélène d’abord. L’architecture est intéressante, toute en tubes de métal, comme une géode en suspension. On a un très joli point de vue sur la ville depuis le sommet. Par contre, le contenu est bof. Le musée est surtout fait pour les enfants.
L’après-midi, on est allé au centre archéologique Pointe-a-Calliere, voir une expo sur les origines de Montréal et une expo sur l’Océanie. On voulait au départ se faire le musée des Beaux Arts, ou celui d’Histoire, mais c’est fermé le lundi… arf arf.
Le soir, on a dîné dans un petit restaurant grec sur le « plateau », quartier français s’il en est.
On a eu de la chance : du beau temps tout le week-end. Ce matin, levés à 4h (yuk) pour prendre l’avion et j’étais à 9h tapantes au bureau… ca va être plus dur cette après-midi…
A part ça, le reste de la semaine précédente a été très new-yorkais, avec le pot de départ d’un grançais lundi soir, dans un lounge de l’East Village, mardi soir les French Tuesdays, soirée franco-américano-supdeco sur le toit d’un immeuble midtown (on n’aime pas mais on y retourne… allez comprendre) etc… 

Seule consolation pour cette semaine qui commence : elle va être courte d’ici vendredi 13 heures !

23 août 2004

Travailler aux USA


Ce matin, forte de mon ardeur au travail, j'envoie un email au planneur stratégique d'un programme sur lequel nous planchons, et la réponse tombe telle un couperet quelques instants plus tard 'Out of office auto-reply'. Mais quelle réponse… 'gone golfing be back August 12'. Certes, on sait bien que sur les terrains de golf se décident les plus gros contrats de la planète, mais, justement, je ne vois pas ce qu'un planneur peut décider de ce coté-la.

Ce qui ne fait que renforcer le constat que, non, en effet, on n'envisage pas exactement le travail de la même façon de ce coté-ci de l'Océan.

Personne en France ne m'avait jamais dit 'Je me sens un peu fatiguée ce matin. Je vais me faire une petite pause shopping, 20 minutes, et je reviens, ça me réveillera'.
Je ne soupçonnais pas non plus qu'on puisse venir avec son chien au bureau - et le poser sur ledit bureau, pour la journée. Note au cas ou vous voudriez essayer - c'est toujours plus facile à faire avec un caniche nain qu'avec un pitbull. Surtout si vos collègues ont souvent besoin de venir récupérer des dossiers sous le chien.
Ma boss ne m'aurait jamais demande de garder son caniche nain sur mon bureau pendant qu'elle partait faire une pause shopping 'pour se réveiller' - en précisant devant mon indécision que je n'avais pas à m'inquiéter parce qu'il avait déjà baptise ses dossiers à elle une heure auparavant… Nota : si elle avait eu un pitbull je pense que j'aurais refuse tout net.
Il était totalement inconcevable pour moi d'envisager de me faire faire une manucure pendant mes heures de bureau… encore moins au bureau, en conference call, haut parleur en marche, et la manucuriste qui s'active sans piper mot sur une main pendant que l'autre s'énerve à égrener les documents dont on cause dans le poste.
Personne n'aurait eu l'idée de dire 'Je ne serai pas au bureau aujourd'hui, je suis partie golfer'. On aurait prétexte une réunion à l'extérieur, un déjeuner d'affaires à la rigueur, on aurait avance de sacro-saintes raisons personnelles, mais jamais au grand jamais le fait d'aller promener ses clubs de golf. Et on n'aurait surtout pas fait une semi phrase façon 'partie golfer. De retour le 12 août'. On aurait enrobe et joliment brode.
La grande cheftaine de l'entreprise n'aurait pas de 'personal assistant' pour lui dire quelle couleur de foulard s'accorde le mieux avec l'iris de ses yeux ou aller chercher ses tailleurs chez le teinturier à 18h30 dans l'Upper East Side - alors que nos bureaux sont MidTown.
J'en passe, et de meilleures ! Je crois qu'on a tous nos petits chocs au bureau !

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Plus généralement, je n'étais pas passée experte ès 'politiquement correct' (PC)…
Quand je suis revenue chez X… cette année (je préfère garder l'anonymat de la société dans laquelle je travaille pour des raisons diverses et variées), une de mes collègues était plus la. Mais ou était-elle passée ? Réponse de la grande boss : elle s'est mariée, et elle voulait consacrer plus de temps à son couple. Réponse de tous les autres, qui ont assiste au départ : elle s'est fait virer.

Le politiquement correct excelle dans les tournures employées pour annoncer un licenciement. Société Y, années difficiles post krach de l'internet business : 'Mr. X will be winding up his duties on the Professional Services team at the end of this week. Unfortunately, the projects department does not have sufficient work to allow us to maintain our current staffing. During his two and a half years with Y, X has helped guide us through some challenging projects (…) His personal and professional responsiveness to these customers help us finalize the projects while maintaining good customer rapport. Thanks, X for a job well done!'. En d'autres termes 'on t'aime bien, mais on n'a pas le sou, tu coûtes cher, donc fais ton carton sans rechigner'. Fallait-il vraiment embellir autant pour dire cela ?

Et le mieux, le voici : e-mail annoncant le licenciement de Monsieur X travaillant pour la société Y : "As some of you know, Y has successfully impleted Tasks 1 thru 6 of the xyz project at XXX in the past few months. It has been a challenging and rewarding project for Y over the past few years. As the core project winds down, I want to thank the entire Y team for their help in making this important project a success. In particular, I want to thank X for his stewardship in his role as Project Manager. It is not easy to steer and manage such a complicated set of tasks - especially given the entrepreneurial nature of our company and the bureaucractic nature of the customer. Well done, X!
Substantively, the project has reached a significant end point, so X will be winding up his role with Y at the end of this month. He will spend the next few weeks tidying up loose ends. I know you'll join me in wishing X every success as he looks for another project opportunity where his contributions are bound to lead to another success story."
Pour moi, c'est un monument de politiquement correct. "Machin, tu es le plus intelligent, le meilleur, le plus fort, le plus beau. Bon, maintenant vas voir ailleurs si tu peux être utile, parce que là tu nous coûtes vraiment trop cher maintenant que le projet est terminé."

Le politiquement correct s'insinue dans tout, du matin au soir. L'employé PC arrive le matin avec un sourire ultra bright pour vous demander comment vous allez - sans en attendre la réponse d'ailleurs, tout est matière de protocole PC… Tout doit briller. Le bureau de l'employé PC est un miracle de propreté, cela va sans dire.

Quand l'employé PC a un souci parce que la réponse du client se fait bien trop attendre pour pouvoir ensuite respecter les délais impartis, employé PC ne perd pas son sang froid en hurlant que l'autre crétin ferait mieux de se bouger, et rapidement, sinon il va l'avoir dans l'os - et je suis polie. Non. L'employé PC e-maile ou téléphone, de la façon la plus délicate 'dear customer, please kindly note that in order to keep on with the delivery, we would need your final comments by the end of the day. Thank you for your understanding.' Et l'employé PC ajoutera même à la fin 'Have a good day'. Alors que nous, on espère, à la limite, que les méchants de l'autre cote du poste, vont se prendre les pieds dans le premier tapis qui vient, et s'y casser le nez, et ce sera bien fait parce que nous, entre temps, on risque de se faire taper sur les doigts… C'est à n'y rien comprendre.
Le PC a cela d'apaisant pour le Français qui démarre au quart de tour de lui apporter la tempérance qui lui fait défaut. Mais autant cette tempérance peut être salutaire à quelque Américain surstressé et overbooké, autant le Français rageur finit par bouillir devant tant de mièvrerie affichée.

Moralité ? La prochaine fois que je n'ai pas envie de sortir de mon lit pour aller braver le vaste monde, je dirai que j'ai un rendez-vous immanquable avec mon personal trainer, pour faire une manucure avant d'aller golfer. Mais je le dirai avec le sourire ultra bright : sinon ce n'est pas politiquement correct…

16 août 2004

Comment aller à Cape May

Temps de préparation : une semaine
Nombre de pages de forum : 13 pages

Ingrédients :
- deux niou-jerziens pourvus de voitures accueillantes
- jusqu'à cinq personnes par véhicule - à discrétion des conducteurs sus cités
- des téléphones portables en état de marche afin d'établir une communication multidirectionnelle entre les véhicules
- une carte routière détaillée du New Jersey
- maillots de bain, serviettes
- ballons et autres jouets
- l'attirail du pique-niqueur avisé
- du cheddar en spray
- de la crème de marshmallow
- des ombrelles pouvant à loisir se trouver usitées en parapluies.

Le tout étant évidemment possible grâce au soutien de la météo locale, weather.com et confrères.

1 . Mise en route et préparation
Laissez la grande prétresse d'ENY lancer l'idée d'une plage dans le New Jersey - notez que l'option « plage dans le New Jersey » n'avait pas véritablement été évoquée dans notre rubrique « Comment aller à la plage » - et mettez à décanter sur le site. Les personnages phare du petit village gaulois étant dans une phase de flemme passagère entre l'étude passionnée de deux dossiers au bureau, on arrive bien vite à un compromis qui satisfait tout le monde au bout d'une semaine, 13 pages de forum émaillées de « oui non mais euhhhh », « moi j'dis ça, j'dis rien, chuis d'la campagne », « c'est trop pinjuste » et autres expressions copyrightées, 45 coups de fil et du chantage à faire pâlir d'envie tout marchand de tapis qui se respecte.
Bref. On arrive donc, à défaut de se mettre exactement d'accord avec l'entrain de nos 20 printemps, à se contenter d'un départ aux aurores - 10 heures - à Pavonia-Newport, le samedi, et non pas le dimanche comme défini au départ, parce que Seigneur Météo a entre temps changé son fusil d'épaule.

2. L'éveil
Arrive en effet à 10 heures le gros de la troupe - non pas Obélix (qui, soit dit en passant, n'est pas gros, juste un petit peu enveloppé) mais la majorité des comparses. On se demande juste pendant une petite demi-heure si l'Arlésienne - alias La Traviata - pointera le bout de son nez… alors qu'on en est encore baba devant la ponctualité d'Ambre, réputée pour être toujours à l'heure, mais pas sur le même fuseau horaire que les autres. L'extase retombe vite car la sus citée Ambre part à la recherche du supermarché perdu avec quelques autres, histoire de se mettre sous la dent autre chose que du sable (le sable, c'est bien, mais pas top). Entre temps la Traviata débarque, lunettes de soleil et kit main libres, en grande conversation, sûrement avec son broker…

3. Le grand départ
Aussitôt dit, aussitôt fait, voilà les EntreNewYorkais enfin sur la route… A sensiblement 11h20, après des courses assez dignes pour nourrir tout un régiment - à la condition qu'il accepte de se sustenter de cheddar en spray, crème de marshmallow, jambon sous vide carré, diet coke, chips, crakers, pain crousti-mou et brie ben d'chez nous -, la décision délicate de savoir qui monte dans la voiture de qui et pourquoi, et un passage éclair à la pompe à essence. Il paraît que ça a un nom, cela s'appelle l'inertie d'un groupe.

4. La route.
a. la théorie.
Dixit Bison Futé. Partir de Pavonia-NewPort et se rendre à Cape May, environ 160 miles, évalués à deux heures de route. De la highway en majorité, bref un petite promenade de santé.

b. La pratique.
Bison Futé ? Ce mec là n'a décidément aucun entendement raisonnable.
Le vendredi soir et le samedi matin, tout le monde prend sa voiture pour se rendre dans le sud du New Jersey, direction Cape May via Atlantic City, ce qui est, comme par hasard, exactement le trajet que nous avions aussi décidé de faire.
Au bout de sensiblement quatre heures, on n'avait toujours pas atteint Atlantic City, on avait fait une halte technique pour se faire bouffer par les moustiques dès l'ouverture des portes, il flottait, et compte tenu des contraintes d'horaires pour la soirée de certains, on envisageait un plan B. On planta son doigt sur la carte pour évaluer les possibilités. Atlantic City, 15 miles - accessible en deux heures, probablement, Mystic Island, petite plage isolée, 15 miles, deux cent moustiques, probablement, Long Beach Island, 5 miles, moins d'embouteillages, bon compromis, probablement. On opta donc pour la dernière option, après les retrouvailles des deux voitures à un point de repère infaillible le long de la route : le Mac Do du carrefour. On avait l'air moins fringants qu'au départ, dans un des deux véhicules, les passagers ayant essuyé une bataille au cheddar en spray des plus décapantes, les autres se demandant encore s'ils n'auraient pas mieux fait de rester au fond de leur lit, vu la couleur du ciel et tout ce qu'ils avaient déjà supporté. Les voyages forment la jeunesse ? Non. Les voyages forgent le caractère.

5. La plage, enfin
Vers 16 heures, on arriva enfin sur la grève. Bonheur décalé d'une dizaine de français s'extrayant de leurs voitures pour s'élancer sur la plage, étaler leurs effets, jeter leurs vêtements, et courir vers l'Océan pour plonger dans les vagues. Histoire de re-situer la scène, avec, en option, les parapluies. On vous le répète, il pleuvait… Peu nous importait. Il ne nous en fut que plus facile d'entrer dans l'eau sans subir le classique choc dû à un différentiel de température des plus désobligeants (soleil brûlant vs. eau froide) et faire les fous dans les vagues, entre les vagues, sous les vagues puis dans le sable, avec un ballon de volley etc. … Le plus délicat était ensuite de se motiver pour sortir de l'eau, se rendant compte qu'il faisait plus frais hors de l'Océan que dedans, se sécher par habitude plus que par conviction sous la pluie et se battre pour manger un sandwich décent, sans kronch kronch de sable en invité surprise. Tout ça en expliquant aux mouettes que le pique nique était à nous et pas à elles, et à Ambre que, non, on a pas envie de goûter la crème de marshmallow. Au final, on a vaincu les mouettes, mais Ambre a été plus têtue que nous, se battant d'abord avec LaTulipe, pour une sombre histoire de brownie qu'on ne veut pas démêler, et on a fini par tous se retrouver avec une couche de crème chimique goût marshmallow, qui sur l'épaule, qui sur le genou, qui dans les cheveux, qui avec du sable.
La palme du lancer de projectile revient cependant à Arnulfe, qui, sur une génialissime idée d'un de ses neurones parti en vrille dans son cerveau, récupéra le morceau de brie bien coulant pour le lancer sur LaTulipe, estimant certainement que son décolleté avait besoin d'une couche de crème odorante supplémentaire.
On a toujours pas compris pourquoi, mais c'est à ce moment là qu'on s'est dit qu'il était temps de plier bagage avant que ça saigne. On n'est jamais trop prudent.

6. Le retour
Epuisés par tant d'aventures, forts de notre journée épique, on s'est repliés vers nos voitures. Un peu plus mouillés, un peu plus fatigués, un peu plus collants de sable, d'eau salée, de crème de marshmallow et de brie ben d'chez nous mais bien plus calmes. Il restait pourtant une bombe de cheddar…
Le retour nous a sensiblement pris deux heures, puisque dans ce sens de circulation et un samedi soir, personne n'avait d'envie pressante de retourner à Manhattan à part nous. Enfin, deux heures, après décision ultra rapide de savoir qui allait monter dans la voiture de qui et pourquoi… Temps estimé de la décision ultra rapide : euhhhh… 1/4 d'heure, pourquoi ?

7. Epilogue
Il paraît que c'est très joli, Cape May, avec ses maisons victoriennes et sa plage, sous le soleil… Moi je ne sais toujours pas, mais en définitive, on aura passé une bonne journée sans prendre aucun coup de soleil, avec beaucoup de fou rires, des photos qui vont s'échanger à prix d'or sur Internet… et certes quelques pétages de plombs.
Quelle épopée par Toutatis ! Cette expédition avait un petit air de zizanie sur la fin… Reste désormais à déterminer dans la smala, qui dissimule sous ses traits angéliques une âme de Tullius Détritus… A moins qu'ils ne soient plusieurs… Une conspiration !!! Damned, nous sommes faits !

10 août 2004

Cinéma, pique-nique et cinéma

Tout vient à point à qui sait attendre, certes, mais tout vient surtout à point à qui sait attendre longtemps. Bref. La niouzlettre tant esperée la voici – bien que vu le taux de retour je commence sincèrement à avoir l’impression d’écrire dans le vide.
Où en était-on ? A force, je ne sais plus.
Le panorama Wathne a un peu changé depuis hier. Je peux enfin me décharger de mes fonctions de chef parachuté, l’entreprise a recruté une remplaçante pour ma boss. Qui travaillait chez un concurrent, pour Estée Lauder aussi, elle connaît donc le métier et le client, ce qui lui permet de se couler dans le poste. Ironie du sort, c’est moi, la petite stagiaire qui part dans trois semaines, qui suit chargée de la former pour tout ce qui a trait à Wathne : tableaux de bord, suivis de production interne, présentation au staff de Hong Kong etc. …
A part ça, en vrac, car mon cerveau est fatigué d’avoir trop pensé ces derniers temps – ça vous tue une Dolce, des responsabilités pareilles, mine de rien – j’ai fait pas mal de choses ces deux dernières semaines. Entre autres, je suis allée à Bryant Park voir des projections cinématographiques en plein air.
Il y a deux semaines, on était allé voir Love Story.
Hier soir, changement de registre, on a vu un vieux film de 1939, Mr. Smith goes to Washington, qui dépeignait fort bien le panier de crabes qu’est le monde de la polique, et la façon dont les médias font la pluie et le beau temps sur les élections. C’était intéressant et très actuel. C’est avec ce genre de films qu’on espère faire changer le panorama polique aux Etats-Unis (A bas Bush !).
Dimanche, on s’est fait un pique nique de la mort qui tue (sisi), à Central Park – c’est ici  pour ceux qui auront le courage d’aller me lire un peu plus ! Central Park est notre point de chute du week-end. Entre autres, on s’est aussi fait un goûter (oui, un goûter, vous avez bien lu !) avec tartines, pain frais, beurre, confirues et pâte à tartiner aux noisettes (mais de la faite maison, à côté de ça, le Nutella, c’est vraiment pas bon… c’est pour dire). Et aussi un brunch chez Gascogne, un restaurant français de Chelsea qui a une carte à faire saliver et un joli jardinet pour en profiter. Attention, jardin non climatisé : on meurt de chaud assez rapidement.
Pour faire passer tout ça, il a bien fallu faire un chouia de sport aussi… (du quoi ?). Avec un copain, on est donc allé nager à Chelsea Piers le week-end, avant de se (re)poser sur la terasse du complexe, une jetée tout en bois sur laquelle on s’installe nonchalemment sur son transat en regardant la ville s’agiter, et les bateaux passer sur l’Hudson River en laissant filer l’après-midi avec un roman, ou juste en mettant son cerveau sur off, et c’est appréciable.
Je suis allée au ciné voir The Bourne Supremacy, la suite de The Bourne Identity, lqui est bien mais pas fantasmagorique. Ca fait un bon film d’aventures (le nouveau James Bond ?), mais pour ceux comme moi qui ont lu et aimé les romans de Ludlum dont est tiré le film, c’est décevant car le réalisateur a pris bien trop de libertés. Entre autres : dans le livre, Jason Bourne a plutôt le profil du baroudeur allant sur ses 40 ans, alors Matt Damon dans le rôle, bof…
Je suis aussi allée voir The Village, le dernier de Night Shalamalayablabla (euh….), le réalisateur de 6ème Sens, Incassable et tout ça machin. L’idée est bien, la réalisation traîne en longueur, la fin est finalement prévisible. Le suspenses n’est pas aussi bien entretenu que pour 6ème Sens, mais ça se laisse regarder.
A part ça, je compte aller faire un petit tour à Montréal le week-end du 20 au 22 août.
MERCI à tous ceux qui ont décroché leur plume et dont la prose orne maintenant mes murs au Webster : Magali, Céline, Florence et Gaëlle, entre autres.

09 août 2004

Petits français perdus à Central Park

Point ne suffit de s'amuser à jouer les demi-felins bottés, il faut de surcroît assumer et gentiment poster l'article tant attendu du lundi de Dolce Vita. Qui s'est fait attendre, certes, mais n'ai-je pas jusqu'a minuit dernier carat, cachet de la poste faisant foi ?

Cette semaine, pas de chronique. La faute à EntreNewYork -parce qu'il faut bien que ce soit la faute de quelqu'un d'autre. Hier j'ai ete trainée, presque de force (arfarf), à un pique-nique. Attention, pas un pique-nique avec n'importe qui. Nonon. La crème de la crème. Un pique-nique EntreNewYorkais. Enfin surtout Entre Francais. Mais bon. Bref. C'etait tellement bien que je suis revenue chez moi avec un gateau à peine entamé et une grosse bosse sur la tête. (Cherchez l'erreur). Et contente avec ca….


Tout commence lorsque de petits francais tout frétillants de sentir le weekend approcher lancent cette joyeuse idée : Et si on se faisait un pique-nique dimanche a Central Park ? Cinq pages de forum plus loin, en une apres-midi - un vendredi, était-il besoin de le préciser, vu l'ardeur des membres à répondre prestemment à toute suggestion culinaire, et l'on se décide pour se retrouver sur le coup de 13 heures à Strawberry Field, Central Park. Evidemment tout ceci, c'est sur le papier. En pratique les plus matinaux arrivent vers 13h30 et les autres suivent. L'heure d'arrivée peut varier de quelques heures selon le fuseau horaire sur lequel les convives ont reglé leurs neurones du weekend.

Grande hantise du francais. Que le pique nique états-unien ressemble à tout sauf aux bacchanales de leurs rêves… Heureusement le franchouille est aussi rusé que l'américain est borné en matière de loi - il nous a suffi de quelques briques de 'jus d'orange' et autres subterfuges pour égayer le repas. El Pedro, chef patissier du jour - ses croissants maison sont exquis - nous avait pourtant bien rassurés. En effet, si l'on se fait prendre la main dans le sac (à vin), on risque une amende. Mais si l'on presente à l'officier de police son ID, alors on est *juste* convoqué au Tribunal. C'est vrai que c'est rassurant, là, tout de suite… Tiens je vais reprendre un peu de jus d'orange, ca me calmera… (Le jus d'orange, oui, l'alcool, non).

Le plaisir de ces piques-nique improvisés, c'est que tout le monde y va de sa spécialité : qui la salade de pates, qui le pain, qui la salade de tomates au thon et à l'oeuf, qui les cannelés de sa Gironde natale, qui le gateau au chocolat de l'Upper East Side, qui la tourte à la viande, qui le bon fromage de chez nous qui coule et qui sent bien fort, qui le jus d'orange frelaté (Pardon. Le jus d'orange, oui, l'alcool, non).

Arnulfe s'amusait, avec Sam, FB38 et d'autres, a c-est-moi-qui-lance-le-freesbee-le-plus-bas-possible-au-dessus-de-la-tete-des-gens jusqu'a ce que votre devouée corespondante l'arrête net d'un coup de front (aie). Il faut avouer que nos francais n'avaient pas encore la classe et la maitrise californienne du lancer de freesbee. SamMan a tout simplement réussi à dévisser la tete de l'auteur (moi) et raser de frais Emissaire, entre autres. Pour ensuite desherber tout le perimètre de pelouse sur lequel il reposait dans le but totalement vain de jouer au jeu du camouflage et de recouvrir paréos, nappes et serviettes d'une couche d'herbe et de terre dépassant l'entendement. LaTulipe et moi nous sommes donc justement vengées en lui procurant un massage thailandais improvisé… C'est a dire en lui galopant sur le dos. Il parait que cela fait mal. Nous, on n'a rien senti. C'est qu'il doit etre douillet alors.

Sensiblement à ce moment là - ou bien au moment ou les Hommes de l'equipe se sont sentis pousser des ailes de footballeur en voyant laissé à l'abandon le petit ballon d'un enfant - un attroupement d'autochtones s'est formé a proximité de nous, de l'autre cote de la barrière. Ils regardaient ces grands fous de francais se marrer comme des baleines et s'en mettre plein la panse, voire derrière la cravate, hop, ca fait du bien par ou ca passe. Un instant, on se serait cru dans un zoo, on avait presque l'impression de pouvoir les entendre dire 'Venez voir, des francais !'. Le nez colle aux palissades, l'oeil demesurement ouvert, la bouche béante. Des francais en captivité !! Un régiment de francais qui rale, téléphone, fume ouvertement, joue aux cartes, se délecte de la fresh fine food, soupire d'aise pour un massage improvisé, ou triche à s'en fendre le coeur en jouant au Tarot. Tout ce a quoi ils n'ont certainement jamais eu la chance de goûter, du haut de leurs bols de pop-corn, les pieds bien calés sur la table basse du salon, en train de regarder un 'reality show' sur le Dating… Du concentré de vie étranger, pouah !

Mais on s'en moque, on aime ca. Et d'ailleurs, on remettra le couvert sous peu… Pourquoi pas à la plage, une fin de semaine prochaine, s'organiser une nouvelle expédition histoire de se mettre un peu de croquant (de sable) sous la dent. Ce n'en serait que pour mieux raler, évidemment.

02 août 2004

La plage à New York

Pas de Lundis de Dolce Vita la semaine dernière et vous m'en voyez fort navrée, mais parfois les méchants vilains patrons tombent sur les pauvres petites stagiaires en les faisant crouler sous le travail et ils aiment ca (les patrons, par les pauvres petites stagiaires comme moi). Ceci étant dit, je me ferais bien une plage ce week-end…

Ahhh l'été...Le soleil, le sable, la mer, les enfants qui courrent sur votre serviette et font de vous la plus belle croquette de sable de la création…

Contrairement à bien des villes tentaculaires, New York possède le grand avantage d'être à distance raisonnable de bancs de sable fin. Le franchouille enfermé trop longtemps dans son donjon bancaire - quelque part entre le 12ème et le 42ème étage d'un immeuble sur la 6ème avenue - a le teint blafard de l'endive en hiver. Le voilà donc qui se réjouit à l'idée de quitter sa prison de verre et de respirer l'air iodé pour quelques heures. Il s'imagine déjà LA plage à l'américaine, vieilles réminiscences de feuilletons télévisés où une blonde pourvue d'un maillot de bain rouge étriqué scrutait l'océan pour aller sauver de la noyade de belles âmes qui n'attendaient que ca. Et si jamais la Gentille Sauveteuse n'était pas à la hauteur de ses attentes, il pourrait alors toujours se lover sur sa serviette, se laisser caresser par la brise et régresser en toute sérénité au QI de la crevette en s'écoutant grésiller.

Parlons raisonnablement maintenant. Si vous décidez d'aller à la plage à Long Island un dimanche, vous allez vite vous rendre compte que votre capacité à donner envie aux autres de vous suivre dépasse votre entendement. C'est comme si tout Manhattan comptait s'y donner rendez-vous. Il est donc très déconseillé de tenter quelque incursion que ce soit en voiture depuis Manhattan (ou plus loin) vers Long Island. C'est tout simplement du suicide. On est serein la première demi-heure, puis, progressivement, l'adrénalise s'installant, on se met à bouillir au milieu des embouteillages. On émerge passablement énervé, on passe quelques heures à la plage en regardant sa montre et en imaginant le bonheur du retour dans de conditions similaires. Qu'on se le tienne pour dit, on sous estime toujours l'ampleur des dégâts. Le retour est souvent, en fin de journée, bien pire que l'aller.

On opte donc pour le train. Moins éprouvant pour notre santé mentale. On embarque à Penn Station, via la Long Island Rail Road - à condition de décider d'aller à la plage à Long Island, biensur. Dans le cas contraire, on peut toujours prendre le métro pour aller à Coney Island ou bien tester - dans un grand instant de folie - la grève du New Jersey.
On se perd un peu dans Penn Station, attention on ne peut payer qu'en cash aux guichets, il faut sinon aller se battre avec les distributeurs automatiques. Moi, je dis ca juste au cas ou vous décideriez d'aller faire la queue, de vous en rendre compte en arrivant au comptoir, réalisant alors que vous n'avez pas de cash et que le train que vous vouliez prendre vient juste de partir - le prochain étant dans une heure, cela va sans dire.
Note hautement utile : on peut aussi embarquer sa planche de surf dans le train. C'est encombrant, tous les autres passagers manquent de s'y casser les dents, mais c'est admis. Si jamais l'envie vous prenait d'aller taquiner la vague en faisant un pied de nez au Gentils Sauveteurs. Cela dit, je pense que dans ce cas, il vous serait totalement inutile d'acheter un aller-retour en train. Le fait de grimacer gaiement aux Gentils Sauveteurs vous permettrait sans nul doute d'accéder au poste de police le plus proche, ne passez pas par la case départ, ne touchez pas 20 000 francs. La dure loi de l'Ouest.
Après avoir eu l'idée folle de tenter l'approche de la plage en voiture, je me suis donc rabbatue sur le train. Le train est comme le métro aux USA. Ne partez pas en short et tongues avec uniquement votre insouciance sur le dos, elle congèlerait. La petite laine de Mamie, par exemple, est une idée judicieuse. On prend le temps de congeler plus ou moins, donc, en la petite heure que met ce train de banlieue a atteindre l'idyllique plage tant attendue. Si par mégarde vous vous étiez endormi - le froid aidant, les neurones fonctionnent au ralenti - vous ne louperez pas l'arrêt plage. Vous serez réveillé au doux clong de la planche de surf de votre voisin dans votre tête qui dépassait un tout petit peu trop. Hagard, on descend alors, pour se retrouver emporté par une mini-marée humaine qui se rue vers l'océan. L'arrivée sur la grève a des allures de débarquement. Tous ces gens munis de tables, chaises, parasols, radios, enfants… tout ce petit monde qui se précipite, pantelant, ruisselant, vers le sable a quelque chose de pathétiquement grotesque. Surtout qu'une fois installé, le but est de surtout, surtout, ne plus bouger - halte là aux multiples marques de maillots de bain.

On a fini, nous aussi, sur le sable. Brulant. Brulant mais on aime ca, car cela nous rappelle combien c'est agréable de s'extraire de la forêt de buildings de New York et de sentir l'Océan. On inspire. On sent l'Océan, certes, mais teinté de crèmes solaires mutilples et variées, de nourritures plus ou moins saines (quoique la tendance nationale tende au gras odorant). Si vous aviez oublié votre pique-nique, vous êtes au Pays de Cocagne. Une plage américaine ne se concoit pas sans infrastructures fast-foodesques. On est loin de la baraque à frites ou la paillotte à Francis, mais l'odeur avoisinante est similaire. Finalement on n'est plus sur d'avoir si faim.

On se décide donc pour faire 'local' et s'installer sur le sable. Dormir, oui, nous tente fort. Si par ailleurs on pouvait bronzer par la même occasion, alors quelle aubaine ! N'oubiez pas, chers lecteurs, que New York est à la latitude de Naples, ce qui implique de se crème-solariser si on ne veut pas virer d'emblée couleur écrevisse et demain peler comme un lézard. Il s'agit stratégiquement de dorer toutes les faces, quitte à s'octroyer un temps de trempage plus ou moins long (à discrétion) dans la grande bleue. Sans s'éloigner trop des Gentils Sauveteurs. En effet, le GS à l'instar du GO est l'amabilité incarnée tant que vous barbotez dans son champ de vision. Qui est très réduit. Au cas où, plusieurs plages ont mis en place un système de bouées encadrant un espace d'eau qu'il est strictement interdit de franchir latéralement - sous peine de se faire réprimander à coup de sifflet rageur. Au delà de ces lignes de baignade, le GS sort les crocs. Mais ne viendra pas vous sauver en cas de souci. Vous n'aviez qu'à nager dans le périmètre assigné.

Vous pourrez ensuite à loisir vous allonger sur votre serviette, et vous laisser sécher au son polyphonique de toutes les radios de vos voisins - c'est un fait, personne ne s'accorde à écouter la même chose, par contre tout le monde veut l'écouter plus fort que ses voisins. Avant de consacrer la réputation râleuse des francais, attendez un peu que l'un des momes de la tribu installée à portée de crème solaire de votre paréo vous recouvre de sable, en courant (et hurlant) pour aller jouer un peu plus loin. Cela vous donnera alors l'opportunité de
1. huler vous aussi
2. rendre à leur propriétaire les deux mètres cubes de sable - la tribu sus-citée (et bientot en voie d'extinction)
3. mettre tout de suite à exécution le processus d'extermination de la tribu sus-citee qui vous entoure en jetant tout ce beau monde dans l'eau
4. en profiter pour les jeter hors du périmètre de sécurité
5. voir accourir tous les Gentils Sauveteurs de la plage, juste pour vous - non ils n'iront pas sauver les récalcitrants qui, malgré les mises en garde ont décidé d'aller baigner leur radio, mome… en decà des bouées
6. d'expliquer aux Gentils Sauveteurs que pour le maintien de la sérénité de cette plage, c'était une action nécessaire, dure, mais nécessaire
7. de voir arriver une chouette voiture de NYPD rien que pour vous
8. d'eviter de payer le fare retour du train
9. de ne pas être coincé dans les embouteillages
10. de vous passer l'envie d'aller à la plage le week-end prochain et de vous porter volontaire pour des heures sup le weekend… Histoire d'être un peu tranquille finalement, et tant pis si vous gagnez le concours de blanchitude de teint… C’est très joli, une endive, non ?